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PÂTE DE CHOCOLAT BRASSÉE, CHALEUR À RÉCUPÉRER 

La confection du chocolat fait alterner différentes phases de température. Chez Villars Maître Chocolatier, à Fribourg, l’amélioration de l’efficacité énergétique est une priorité depuis très longtemps. Dernier progrès en date sur la voie de la décarbonation : une pompe à chaleur XXL construite sur mesure. 

La recette du chocolat, côté énergie ? Elle commence avec les fèves de cacao qui sont transportées dans l’usine pour être nettoyées, triées, torréfiées et broyées dans un moulin. La masse de cacao liquide ainsi obtenue s’échauffe à 80° C. Après refroidissement, elle est mélangée à des ingrédients secs – sucre et poudre de lait – puis pétrie par deux broyeuses en une pâte granuleuse affinée à 18 microns. L’ajout des ingrédients liquides – beurre de cacao pressé à froid, arômes… – prépare le conchage, soit le brassage à 60° C par charges de 3 à 6 tonnes pendant 24 à 72 heures. Enfin, la masse est refroidie à 45° C avant stockage, puis à une température comprise entre 27 et 30° C. Le chocolat peut alors être coulé dans les moules. 

Les cibles sont donc nombreuses pour accroître l’efficacité énergétique d’une chocolaterie, et Villars n’a eu de cesse de s’améliorer pour économiser les kWh et réduire ses émissions de CO2. Dès 1980, à peine entré dans l’entreprise, Jean-François Cotting, son actuel responsable énergie, s’était ému de l’eau de lavage et de rinçage qui filait encore chaude à l’égout. « La récupérer et la recycler a réduit fortement nos frais de chauffage », se souvient-il.

Un cortège de mesures

En 1995, tous les équipements consommateurs de chaleur avaient été réglés finement, indépendamment, pour une économie annuelle de 80 000 litres de mazout. Une démarche comparable dans les éléments du circuit d’air comprimé a permis de réduire d’un tiers le volume d’air à produire. L’isolation de conduites a apporté une économie de 50 000 kWh par an, la consommation électrique du gros millier de points d’éclairage a baissé de 25 % grâce aux LED, détecteurs et minuteries, tandis qu’une installation de free cooling délivre un froid tout local. Du classique, dira-t-on, efficace, soutenu par 12 techniciens, automaticiens et mécaniciens, stimulés par le défi de nouveaux locaux en 2012 et par l’engagement sans faille de la direction.  

Lors de notre première visite, en 2014, le conseiller AEnEC Jean-Daniel Cramatte avait pu souligner que « les objectifs d’efficacité proposés lors de l’audit initial avaient été vite atteints et même dépassés », ajoutant que, côté chaleur, les trois chaudières à gaz produisant, pour l’une, de la vapeur et, pour les deux autres, en alternance, de l’eau à 60° C, « étaient au cœur d’études pour se passer de deux d’entre elles ».  

Une pompe à chaleur entre en scène

En 2022, nous avons découvert l’aboutissement de ces années de réflexions, tests, mesures et réglages : une pompe impressionnante, qui récupère la chaleur dégagée lors du conchage. Ce bel outil, d’une puissance de 110 kW, a été construit sur mesure en concertation avec le fabricant. Tous les efforts de recherche et développement sont aujourd’hui largement récompensés. Première belle surprise : le coefficient de performance énergétique de la pompe est supérieur aux attentes. Cette superbe machine prend toute son importance dans le contexte de la décarbonation progressive à laquelle la Suisse pays s’est astreinte, objectif confirmé par le peuple dans les urnes. « En exploitation 20 heures par semaine et 47 semaines par an, elle délivre l’équivalent de la combustion de 30 000 m3 de gaz sous forme de chaleur. La réduction des émissions de CO2 se chiffre ainsi à environ 70 tonnes chaque année », précise Jean-François Cotting. Une telle installation a également une utilité immédiate, l’envolée et la volatilité des prix de l’énergie ne pouvant qu’inciter à une autonomie énergétique accrue. 

Et nul doute que Villars Maître Chocolatier trouvera dans cette direction bien d’autres recettes dans les trois décennies à venir. 

INFORMATIONS

Pour la saisie des composants matériels et des flux d’énergie de l’exploitation, Bruker BioSpin a travaillé avec l’AEnEC pour passer son site de Fällanden (ZH) au crible. Un travail de titan qui a débouché sur des mesures d’amélioration concrètes.

Cuivre, hélium, acier chromé ou encore fils de supraconducteurs au niobium-titane : les matières utilisées pour fabriquer les aimants ne manquent pas, même si la taille des aimants fabriqués par Bruker à Fällanden tend à diminuer. « Rien que le fil qui s’enroule autour d’un petit aimant mesure de cinq à dix kilomètres de longueur », explique Didier Bitschnau, chef de projet Facility Management chez Bruker à Fällanden (ZH) depuis 2018. Pour un aimant de grande taille, le fil de la bobine peut mesurer jusqu’à 100 kilomètres de longueur. En étroite collaboration avec Almut Sanchen, cheffe du projet de gestion efficace des ressources à l’AEnEC, Didier Bitschnau et son équipe ont relevé tous les composants du système magnétique et les ont soigneusement pesés. « C’était un travail titanesque », relate Didier Bitschnau. Mais ce travail a été fructueux : « Là où nous avions encore un angle mort il y a quelques mois, nous disposons maintenant de données saisies systématiquement ».

Une étroite collaboration

En compagnie d’Almut Sanchen et Thomas Bürki, chefs de projet à l’AEnEC, Didier Bitschnau et Pascal Marcher, également chefs de projet, ont parcouru le site d’un œil averti dès leur première rencontre en avril 2022. « Pour moi, il était très important de voir le système magnétique en coupe. Cela me permettait de comprendre de quelle manière les composants sont montés et de quelle manière cela fonctionne. Plus nous regardons à l’intérieur d’un aimant, plus nous pouvons être précis dans la saisie des matières », relate l’ingénieure. « Je me suis rendue à plusieurs reprises à Fällanden, jusqu’à ce que nous ayons saisi tous les flux de matières et d’énergie », se rappelle-t-elle. Pour Didier Bitschnau, cette expertise était absolument indispensable dans ce processus. Il évoque cette collaboration : « Almut Sanchen était toujours sur place, elle nous a apporté un soutien sans faille pour la saisie et lorsque nous avions des questions, elle nous a répondu de manière claire et compréhensible. C’est infiniment précieux. »

Des résultats surprenants

Aujourd’hui, Bruker BioSpin dispose d’une analyse détaillée de tous les composants matériels et de leurs effets sur l’environnement. Si plus de 700 kilos des intrants de matières dans le système magnétique sont dus aux matières achetées, l’effet le plus important sur l’environnement est dû à l’électronique : « L’empreinte écologique la plus importante est celle des ordinateurs des systèmes magnétiques, car les matières qui y sont utilisées pèsent de tout leur poids, même si elles sont en moindre quantité », explique Almut Sanchen, qui ne s’attendait pas à ce résultat. Didier Bitschnau et Pascal Marcher étaient eux aussi plutôt étonnés : « Nous nous attendions à pouvoir faire plus dans le Facility Management », déclare Pascal Marcher. Or, l’évaluation montre que la majorité de la charge environnementale est achetée en même temps que les matières. Les matières qui occasionnent l’essentiel des effets environnementaux sont très souvent aussi les plus chères. « Cela nous montre que nous devons fermer les cycles », conclut Pascal Marcher. Prenez l’exemple de l’hélium : « L’hélium est une ressource compliquée, parce que c’est un sous-produit », explique Didier Bitschnau. Et pourtant, Bruker a pratiquement fermé les cycles : « Nous tendons de plus en plus à récupérer l’hélium pour aller vers l’économie circulaire. C’est l’une des raisons principales pour lesquelles nous avons décidé de notre projet de gestion efficace des ressources », complète-t-il. Mais des matières alternatives doivent elles aussi être soigneusement auscultées et la documentation de l’AEnEC représente une mine d’informations à cet égard. « Désormais, dans les services concernés, nous envisageons d’utiliser d’autres matières et nous en discutons », annonce Pascal Marcher. Ce résultat le démontre, une saisie systématique du potentiel que recèlent les matières ouvre la voie à de nouvelles mesures d’amélioration.

Des données concrètes, des mesures d’amélioration pratiques

Les mesures d’amélioration de Bruker BioSpin ont été élaborées avec Almut Sanchen. Concrètes, elles reposent sur l’analyse détaillée de toutes les matières employées et sur leur saisie systématique. Une mesure très importante porte sur les achats de matières : « En augmentant le taux de matières recyclées dans ses matières de départ, Bruker peut exploiter un potentiel substantiel d’économies », déclare Almut Sanchen. La liste des mesures ne s’arrête pas aux achats : elle comporte encore l’analyse de la mobilité des collaborateurs et des adaptations subséquentes, mais aussi des optimisations permanentes des processus, de nouvelles installations photovoltaïques ou encore l’augmentation du taux de récupération de l’hélium au moyen d’optimisations opérées dans les processus. La conception des aimants et des installations de commande est aujourd’hui passée au crible, pour permettre ainsi qu’un important potentiel de réduction de l’empreinte environnementale soit exploité. Faut-il le préciser, les économies réalisées sur les matières ont un impact positif sur les coûts.

Continuer d’agir ensemble

Pour Didier Bitschnau, Pascal Marcher et Cédric Laffely, une évidence s’impose : « Ce n’est là qu’un début ». La prochaine étape prévue contient plusieurs volets : mise en œuvre des mesures d’amélioration, définition concrète des responsabilités incombant aux équipes et optimisation de la saisie des données. « Dans le cadre de ce projet, nous avons déterminé l’empreinte environnementale de Bruker à Fällanden ; nous avons identifié les potentiels et nous avons dressé une liste de mesures d’amélioration. Nous avons donc jeté les bases d’une amélioration systématique de la gestion des ressources », conclut l’ingénieure. L’AEnEC développe également une plate-forme dédiée aux données, destinée à en faciliter la saisie et l’accès. « Cela correspond aussi à nos souhaits », commentent Pascal Marcher et Didier Bitschnau à l’unisson. Pour les deux spécialistes, la simplicité dans le relevé et dans la gestion des futures données est très importante, tout comme la facilité d’accès aux données. Car une chose est sûre : « Nous voulons poursuivre sur la voie de la gestion efficace des ressources avec l’AEnEC, ici à Fällanden mais aussi sur d’autres sites », assure Didier Bitschnau.

INFORMATIONS

Les interdépendances du trilemme énergétique – sécurité d’approvisionnement, rentabilité et impact sur l’environnement – sont plus présentes que jamais. Dans le même temps, tandis que les dépendances vis-à-vis de l’étranger se renforcent sur le front de l’énergie et des matières premières, les chaînes mondiales d’approvisionnement se fragilisent. Il est grand temps que nous nous souvenions de nos atouts.

En politique comme dans la société, le débat sur la sécurité de l’approvisionnement énergétique bat son plein. Longtemps, ce débat était largement dominé par des thèmes de politique énergétique intérieure : parviendrons-nous à produire suffisamment tôt les nouvelles énergies renouvelables nécessaires à la fois pour disposer de plus d’électricité l’hiver et pour remplacer les centrales nucléaires progressivement démantelées ? Comment le trilemme énergétique qui met face à face sécurité de l’approvisionnement, rentabilité et impact sur l’environnement évolue-t-il ?

De plus, nous nous trouvons confrontés à des changements dans les chaînes mondiales d’approvisionnement énergétique et l’invasion de l’Ukraine par la Russie a bouleversé le paysage géopolitique. Notre trilemme énergétique se durcit : à l’heure où nous devrions poser les jalons si essentiels de nos stratégies de décarbonation à moyen et long terme, nous voici contraints de nous concentrer sur la sécurité à court terme de notre approvisionnement en énergies fossiles, assuré par des importations. Quant aux prix de l’énergie, de manière peu surprenante, ils augmentent, ce qui est d’ailleurs aussi une stratégie, dès lors que l’énergie devient un pion de la géopolitique. Dans de nombreux États membres de l’UE, les réactions à ces hausses font naître des fleurs singulières dans la politique industrielle. Les récentes subventions de certains pays sont un poison pour l’industrie suisse intensive en énergie, qui, au lieu de contribuer au règlement du problème de l’énergie et des ressources, se trouve ainsi elle-même plongée dans des questions de survie en raison de son emplacement. À cet égard, on ne voit malheureusement pas encore de solution se dessiner.

Mais revenons-en au trilemme et à la géopolitique. La transformation du système d’approvisionnement énergétique fait partie intégrante de la mutation que connaît la politique européenne de sécurité, c’est une évidence. Pareil changement nous met face à un nouveau dilemme opposant indépendance énergétique et risques liés à l’approvisionnement. Depuis 2011, l’UE a dressé une liste des matières premières considérées comme critiques en raison de leur poids économique et des dégâts que pourrait causer une rupture dans leur chaîne d’approvisionnement. Or, année après année, cette liste s’allonge.

Osons une fuite en avant. En diversifiant nos sources d’approvisionnement et en collaborant avec nos partenaires stratégiques, nous devons garantir à notre industrie un approvisionnement en énergie et en matières premières suffisant, à des prix compétitifs. Des conditions-cadres de qualité, que nous pouvons pour l’essentiel concevoir nous-mêmes, doivent non seulement conserver, mais aussi améliorer l’attrait de la Suisse en tant que site de recherche et de production. Si l’industrie technologique suisse conserve son avance en matière d’innovation y compris à l’avenir, nous aurons contribué, grâce à de nombreux produits indispensables reposant sur des technologies de pointe, à relever les plus grands défis du monde. Nous opposons alors à nos dépendances une réponse d’envergure.

 

L’auteur

Philipp Bregy est responsable du secteur énergie de Swissmem, l’association des PME et des grandes entreprises de l’industrie technologique suisse.

INFORMATIONS

Comment une entreprise se positionne-t-elle aujourd’hui face au défi du développement durable ? Tobias Gerfin, CEO de Kuhn Rikon SA, présente la stratégie de son entreprise.

Monsieur Gerfin, vous dirigez une entreprise familiale. Comment procédez-vous ?

Tobias Gerfin: Une entreprise familiale se dirige autrement qu’une entreprise qui compte beaucoup d’actionnaires. J’ai six actionnaires. C’est familial et c’est donc plus simple, mais c’est aussi plus compliqué, il faut composer avec la famille propriétaire. À cet égard, Kuhn Rikon n’est pas ordinaire, car la famille réfléchit à très long terme et elle reste raisonnable. Pour elle, l’entreprise doit être en bonne santé, il ne s’agit pas d’optimiser le bénéfice à court terme.

Que signifie la responsabilité d’entreprise pour vous personnellement et pour Kuhn Rikon ?

Tobias Gerfin: En 2026, Kuhn Rikon aura 100 ans. Cela signifie qu’il faut penser à long terme. Pour moi en tant que CEO, c’est un avantage, car nous ciblons non pas les résultats trimestriels, mais la réussite à long terme. Le nom de notre société se compose du mot « Rikon », cela montre clairement notre attachement à ce lieu. Cela nous donne une responsabilité, parce que nous devons veiller aux bâtiments. Je trouve que les objectifs de développement durable sont un impératif absolu pour la gestion d’entreprise et qu’ils ont la même importance que le bénéfice.

En quoi est-ce un impératif ?

Tobias Gerfin: En tant que chef d’entreprise, nous avons une responsabilité envers la société. Si nous continuons de la même manière que ces cinquante dernières années, dans cinquante ans, beaucoup de choses n’existeront plus. Et quant à savoir si l’humanité aura alors encore une situation climatique qui lui permettra de vivre convenablement, je mets quelques points d’interrogation.

Une entreprise ne peut donc pas faire l’impasse sur la question du développement durable ?

Tobias Gerfin: Dans le domaine du développement durable, une entreprise ne peut plus se permettre de réfléchir à court terme.

Quel rôle le développement durable joue-t-il dans le développement des produits ?

Tobias Gerfin: Un principe est ancré dans notre stratégie de développement durable : chaque année, nous lançons une ligne de produits dont le cycle est fermé. Cette année, c’est un caquelon à fondue composé d’aluminium recyclé et d’un manche en bois. Le choix des matières est un gros défi, car beaucoup de matières se présentent comme étant bio ou écologiques. Et lorsqu’on les examine de près, certains de leurs composants ne sont parfois pas du tout écologiques. Il faut que le service du développement et la direction du produit examinent les choses de manière extrêmement détaillée. Pour Kuhn Rikon, il est important de trouver un équilibre entre la quantité de matières, la durée de vie et la qualité des plats cuisinés. Une poêle à frire dont les parois sont très minces stocke peu d’énergie. Nous privilégions donc des parois épaisses. De plus, faire des économies sur les matières nuit à la durée de vie d’un produit. On peut régler ce problème en amenant toutes les matières dans des cycles fermés. Chez nous, en Suisse, cela fonctionne bien.

Qu’en est-il de la décarbonation ? Aujourd’hui, une entreprise peut-elle encore se permettre de renoncer à décarboner ?

Tobias Gerfin: Il n’est pas nécessaire que chaque entreprise dispose d’un objectif zéro émission nette. Mais si une entreprise affirme qu’elle n’est pas intéressée par les objectifs environnementaux, sociaux et de gouvernance d’entreprise, ni par les objectifs de développement durable de l’ONU, je ne crois pas qu’elle puisse survivre à terme.

Et quelles sont les conditions nécessaires pour décarboner ?

Tobias Gerfin: Il faut diverses options et coopérations, car une entreprise ne peut pas tout faire seule. Bien sûr que chacun peut faire poser une installation photovoltaïque sur son toit. Mais les émissions de CO2 dues à l’électricité que nous consommons à Rikon se montent à 500 tonnes, alors que nous occasionnons plus de 20 000 tonnes au total. Il faut donc se poser la question : quelles sont mes options pour réduire mon empreinte carbone globale et avec qui puis-je travailler ?

Le manque de savoir-faire est donc un problème ?

Tobias Gerfin: Oui. Mais le calcul des émissions de CO2 représente lui aussi un défi, car il faut définir des limites internes et externes du système. Pour notre analyse, nous avons sciemment mis de côté les émissions de CO2 de la phase d’utilisation, parce que nous ne pouvons pas dire comment une personne fait la cuisine. Mais ces émissions représentent vraisemblablement 95 % de toutes les émissions produites durant tout le cycle de vie d’une poêle à frire.

Y a-t-il un avantage pour les entreprises qui participent à l’AEnEC ?

Tobias Gerfin: Oui, les objectifs de réduction de chaque entreprise qui participe à l’AEnEC sont examinés par la Confédération, qui rend une décision officielle à leur sujet. De ce fait, la communication a plus de poids qu’avec beaucoup d’autres certificats et labels.

Pour son centenaire, Kuhn Rikon s’est fixé pour objectif de parvenir à la neutralité climatique. Où Kuhn Rikon se situe-t-elle en ce moment ?

Tobias Gerfin: En 2020, nous avons établi un premier bilan du CO2 pour les scopes 1, 2 et 3. Nous sommes parvenus de justesse à la neutralité climatique pour les scopes 1 et 2, ce que nous avons pu annoncer avec fierté. Mais pour nous, cela n’est pas très sérieux, car ces deux scopes ne représentent que deux pourcents de notre empreinte carbone. Le levier le plus important que nous pouvons actionner est l’aluminium, qui cause à lui seul plus de 30 % de notre empreinte carbone. Dans un premier temps, nous remplaçons l’aluminium primaire par de l’aluminium recyclé et nous réduisons ainsi les émissions de CO2 dues à l’aluminium de 95 %. D’ici à l’été 2024, tout l’aluminium que nous utilisons, y compris les produits chinois, sera de l’aluminium recyclé. Grâce à ce changement, nous réduirons notre empreinte carbone totale de 28 %. C’est une étape importante, mais ce n’est pas suffisant. Nous devons maintenant passer à l’acier, pour faire en sorte d’utiliser là aussi un maximum de matières recyclées, ce qui réduira automatiquement notre empreinte carbone. D’ici 2026, nous voulons avoir diminué notre empreinte carbone de moitié. Pour le reste, nous voulons employer la décarbonation ou l’élimination pour éviter la compensation dans la mesure du possible.

Vous évoquez l’élimination, autrement dit la capture et l’entreposage du CO2. C’est n’est pas précisément bon marché. Pourquoi Kuhn Rikon a-t-elle choisi cette méthode ?

Tobias Gerfin: Notre entreprise emploie des métaux pour sa fabrication et doit transporter des matières. Cela signifie qu’aussi longtemps que nous existons en tant qu’entreprise, nous émettons du CO2. Si nous voulons atteindre l’objectif de zéro émission nette au niveau mondial, nos émissions de CO2 doivent être négatives. Et cela implique de retirer du CO2 de l’atmosphère, autrement dit de procéder à son extraction et stockage. Il n’existe pas d’autre voie.

Le fait que le CO2 doive être éliminé ne représente-t-il pas pour vous un succès en demi-teinte ?

Tobias Gerfin: Non. Le CO2 est produit au cours d’un processus, et il est éliminé au cours d’un tout autre processus. Par contre, pour moi, renoncer purement et simplement est une fausse approche, même si renoncer à bon escient sera nécessaire.

Et comment Kuhn Rikon a-t-elle fait face à la hausse des prix de l’énergie ?

Nous concluons des contrats d’une durée de trois ans. Nos contrats arrivaient à échéance le 1er janvier 2023. Avec notre dernier contrat, nous payions encore 6 centimes le kilowattheure. En décembre 2021, nous avons reçu une offre à 11 centimes. Mais nous voulions encore attendre. En janvier 2022, nous en étions à 13,4 centimes. Finalement, nous avons conclu le nouveau contrat avec un prix de 24 centimes le kilowattheure valable trois ans. De ce point de vue, la cherté de l’énergie nous atteint très directement. Nos alternatives sont d’employer d’autres sources d’énergie, comme des cellules photovoltaïques sur les toits par exemple. Mais ce sont des investissements conséquents, car nous devons d’abord rénover nos toitures, ce qui coûte beaucoup d’argent. Une entreprise ordinaire ne peut pas se permettre des investissements aussi importants comme si de rien n’était.

Un tiers environ du chiffre d’affaires mondial de Kuhn Rikon SA provient de notre production ici à Rikon. L’acier et l’aluminium viennent d’Europe, mais en Europe, les prix de l’énergie ont aussi augmenté considérablement. Toutefois, un des plus grands défis est le taux de change, car selon moi, le taux actuel entre l’euro et le franc va poursuivre sa baisse et l’industrie a intérêt à se préparer à un taux à 90 centimes. Ce n’est pas tout à fait agréable, mais c’est une pression qui nous garde en forme.

Jetons un coup d’œil sur l’avenir. Comment allons-nous cuisiner à l’avenir ?

Tobias Gerfin: Notre façon de cuisiner ne changera pas fondamentalement, car cuisiner se transmet de génération en génération. Nous avons donc un processus de changement très lent.

La numérisation aura-t-elle un rôle à jouer ?

Tobias Gerfin: C’est possible. Nous menons par exemple une coopération avec V-Zug pour un plan de cuisson doté d’un capteur de température et relié à une application. Mais c’est encore une niche et il sera difficile de persuader un très large public.

INFORMATIONS

L’énergie n’est plus un simple produit disponible facilement. La guerre et le changement climatique ont profondément transformé les règles du jeu sur le marché. Les entreprises doivent repenser leur approvisionnement.

Pendant des années, le mantra de l’économie en matière de politique énergétique a été très simple : l’énergie doit être propre, avantageuse et disponible en quantité suffisante pour que la Suisse reste une place industrielle attrayante et un lieu de travail attirant. Le chemin vers cet objectif est toutefois ardu et, depuis quelque temps, le nombre d’écueils a augmenté sensiblement : le blocage dans la politique européenne menace notre raccordement au réseau électrique européen et rendra les importations d’énergie en hiver plus difficiles. En Suisse, notre production d’électricité hivernale ne se développe que lentement, et notre production d’électricité n’est pas encore suffisante pour respecter l’objectif du zéro émission nette à l’horizon 2050. Pour atteindre ces objectifs ambitieux, nous devrions pourtant à peu près doubler la production d’électricité d’ici à 2050. Une tâche herculéenne ! Depuis l’agression de la Russie contre l’Ukraine, les pays voisins ont de plus remodelé les marchés de l’énergie, en prévoyant des subventions et des politiques industrielles en vue d’absorber les turbulences. Dans ces conditions, les discussions techniques et politiques sur l’énergie sont devenues si complexes et incertaines que même le Parlement perd parfois la vue d’ensemble.

De plus en plus d’entreprises se demandent comment réagir à cette situation : l’énergie n’est plus un simple produit que l’on consomme sans y prêter attention. Non. Les entreprises doivent désormais planifier avec le plus grand soin une stratégie non seulement pour les flux financiers et les flux de matières, mais également pour les flux énergétiques.

Deux étapes peuvent s’avérer particulièrement cruciales :

  1. Comprenez votre situation : une analyse de votre consommation d’énergie et de vos émissions de CO2 est indispensable. Vous pouvez en déduire des objectifs et des valeurs de référence qui vous permettront de prendre des mesures d’amélioration dont les effets sont vérifiables. L’AEnEC et des normes telle l’initiative Science Based Targets (initiative SBTI) sont ici d’une aide précieuse.
  2. Pensez sous forme de scénarios et prenez vos précautions : certaines entreprises peuvent, en partie du moins, supporter une hausse des prix de l’énergie ou un risque de pénurie. D’autres non. Elles risquent de fermer en cas de hausse des prix. Il faut donc savoir faire preuve de souplesse pour augmenter la marge de manœuvre, soit par des optimisations de l’exploitation, soit par des investissements ciblés. Ou encore par la conclusion de contrats de livraison d’énergie à long terme, voire des co-investissements dans la production énergétique. Même lorsque la situation est sérieuse, l’économie sait trouver des solutions, comme le montre la plateforme de négoce des contingents www.mangellage.ch.

Nous en sommes convaincus : l’entreprise qui considère ses émissions et son approvisionnement énergétique non pas comme des éléments accessoires, mais comme des éléments centraux de son modèle d’affaires s’assure un avantage stratégique.


L’auteur

Alexander Keberle est membre de la direction et responsable du secteur Infrastructure, énergie et environnement d’economiesuisse, la faîtière de l’économie suisse.

INFORMATIONS

Dans quel but Bruker BioSpin mise-t-elle sur l’offre
« Gestion efficace des ressources » de l’AEnEC ? Cédric Laffely, membre de la direction de Bruker BioSpin, explique cette décision.