Pour la saisie des composants matériels et des flux d’énergie de l’exploitation, Bruker BioSpin a travaillé avec l’AEnEC pour passer son site de Fällanden (ZH) au crible. Un travail de titan qui a débouché sur des mesures d’amélioration concrètes.
Cuivre, hélium, acier chromé ou encore fils de supraconducteurs au niobium-titane : les matières utilisées pour fabriquer les aimants ne manquent pas, même si la taille des aimants fabriqués par Bruker à Fällanden tend à diminuer. « Rien que le fil qui s’enroule autour d’un petit aimant mesure de cinq à dix kilomètres de longueur », explique Didier Bitschnau, chef de projet Facility Management chez Bruker à Fällanden (ZH) depuis 2018. Pour un aimant de grande taille, le fil de la bobine peut mesurer jusqu’à 100 kilomètres de longueur. En étroite collaboration avec Almut Sanchen, cheffe du projet de gestion efficace des ressources à l’AEnEC, Didier Bitschnau et son équipe ont relevé tous les composants du système magnétique et les ont soigneusement pesés. « C’était un travail titanesque », relate Didier Bitschnau. Mais ce travail a été fructueux : « Là où nous avions encore un angle mort il y a quelques mois, nous disposons maintenant de données saisies systématiquement ».
En compagnie d’Almut Sanchen et Thomas Bürki, chefs de projet à l’AEnEC, Didier Bitschnau et Pascal Marcher, également chefs de projet, ont parcouru le site d’un œil averti dès leur première rencontre en avril 2022. « Pour moi, il était très important de voir le système magnétique en coupe. Cela me permettait de comprendre de quelle manière les composants sont montés et de quelle manière cela fonctionne. Plus nous regardons à l’intérieur d’un aimant, plus nous pouvons être précis dans la saisie des matières », relate l’ingénieure. « Je me suis rendue à plusieurs reprises à Fällanden, jusqu’à ce que nous ayons saisi tous les flux de matières et d’énergie », se rappelle-t-elle. Pour Didier Bitschnau, cette expertise était absolument indispensable dans ce processus. Il évoque cette collaboration : « Almut Sanchen était toujours sur place, elle nous a apporté un soutien sans faille pour la saisie et lorsque nous avions des questions, elle nous a répondu de manière claire et compréhensible. C’est infiniment précieux. »
Aujourd’hui, Bruker BioSpin dispose d’une analyse détaillée de tous les composants matériels et de leurs effets sur l’environnement. Si plus de 700 kilos des intrants de matières dans le système magnétique sont dus aux matières achetées, l’effet le plus important sur l’environnement est dû à l’électronique : « L’empreinte écologique la plus importante est celle des ordinateurs des systèmes magnétiques, car les matières qui y sont utilisées pèsent de tout leur poids, même si elles sont en moindre quantité », explique Almut Sanchen, qui ne s’attendait pas à ce résultat. Didier Bitschnau et Pascal Marcher étaient eux aussi plutôt étonnés : « Nous nous attendions à pouvoir faire plus dans le Facility Management », déclare Pascal Marcher. Or, l’évaluation montre que la majorité de la charge environnementale est achetée en même temps que les matières. Les matières qui occasionnent l’essentiel des effets environnementaux sont très souvent aussi les plus chères. « Cela nous montre que nous devons fermer les cycles », conclut Pascal Marcher. Prenez l’exemple de l’hélium : « L’hélium est une ressource compliquée, parce que c’est un sous-produit », explique Didier Bitschnau. Et pourtant, Bruker a pratiquement fermé les cycles : « Nous tendons de plus en plus à récupérer l’hélium pour aller vers l’économie circulaire. C’est l’une des raisons principales pour lesquelles nous avons décidé de notre projet de gestion efficace des ressources », complète-t-il. Mais des matières alternatives doivent elles aussi être soigneusement auscultées et la documentation de l’AEnEC représente une mine d’informations à cet égard. « Désormais, dans les services concernés, nous envisageons d’utiliser d’autres matières et nous en discutons », annonce Pascal Marcher. Ce résultat le démontre, une saisie systématique du potentiel que recèlent les matières ouvre la voie à de nouvelles mesures d’amélioration.
Les mesures d’amélioration de Bruker BioSpin ont été élaborées avec Almut Sanchen. Concrètes, elles reposent sur l’analyse détaillée de toutes les matières employées et sur leur saisie systématique. Une mesure très importante porte sur les achats de matières : « En augmentant le taux de matières recyclées dans ses matières de départ, Bruker peut exploiter un potentiel substantiel d’économies », déclare Almut Sanchen. La liste des mesures ne s’arrête pas aux achats : elle comporte encore l’analyse de la mobilité des collaborateurs et des adaptations subséquentes, mais aussi des optimisations permanentes des processus, de nouvelles installations photovoltaïques ou encore l’augmentation du taux de récupération de l’hélium au moyen d’optimisations opérées dans les processus. La conception des aimants et des installations de commande est aujourd’hui passée au crible, pour permettre ainsi qu’un important potentiel de réduction de l’empreinte environnementale soit exploité. Faut-il le préciser, les économies réalisées sur les matières ont un impact positif sur les coûts.
Pour Didier Bitschnau, Pascal Marcher et Cédric Laffely, une évidence s’impose : « Ce n’est là qu’un début ». La prochaine étape prévue contient plusieurs volets : mise en œuvre des mesures d’amélioration, définition concrète des responsabilités incombant aux équipes et optimisation de la saisie des données. « Dans le cadre de ce projet, nous avons déterminé l’empreinte environnementale de Bruker à Fällanden ; nous avons identifié les potentiels et nous avons dressé une liste de mesures d’amélioration. Nous avons donc jeté les bases d’une amélioration systématique de la gestion des ressources », conclut l’ingénieure. L’AEnEC développe également une plate-forme dédiée aux données, destinée à en faciliter la saisie et l’accès. « Cela correspond aussi à nos souhaits », commentent Pascal Marcher et Didier Bitschnau à l’unisson. Pour les deux spécialistes, la simplicité dans le relevé et dans la gestion des futures données est très importante, tout comme la facilité d’accès aux données. Car une chose est sûre : « Nous voulons poursuivre sur la voie de la gestion efficace des ressources avec l’AEnEC, ici à Fällanden mais aussi sur d’autres sites », assure Didier Bitschnau.
>700 kg
de matières entrent dans le système magnétique
94,4 %
des matières achetées se retrouvent dans le produit fini
15,5 %
des matières achetées proviennent du recyclage
34,8 %
des déchets sont recyclés
Plus de 8500 collaborateurs et collaboratrices de Bruker, qui travaillent sur plus 90 sites, permettent à des scientifiques de faire des découvertes révolutionnaires et de développer de nouvelles applications qui améliorent la qualité de vie. Le groupe Bruker BioSpin est leader mondial du développement et de la fabrication, au moyen de la technologie de la résonance magnétique, d’instruments et de leurs logiciels. La technologie de la résonance magnétique inclut notamment la spectrométrie de résonance magnétique nucléaire (RMN), la spectrométrie de résonance paramagnétique électronique (RPE) et des systèmes d’imagerie préclinique.
Comment une entreprise se positionne-t-elle aujourd’hui face au défi du développement durable ? Tobias Gerfin, CEO de Kuhn Rikon SA, présente la stratégie de son entreprise.
Tobias Gerfin: Une entreprise familiale se dirige autrement qu’une entreprise qui compte beaucoup d’actionnaires. J’ai six actionnaires. C’est familial et c’est donc plus simple, mais c’est aussi plus compliqué, il faut composer avec la famille propriétaire. À cet égard, Kuhn Rikon n’est pas ordinaire, car la famille réfléchit à très long terme et elle reste raisonnable. Pour elle, l’entreprise doit être en bonne santé, il ne s’agit pas d’optimiser le bénéfice à court terme.
Tobias Gerfin: En 2026, Kuhn Rikon aura 100 ans. Cela signifie qu’il faut penser à long terme. Pour moi en tant que CEO, c’est un avantage, car nous ciblons non pas les résultats trimestriels, mais la réussite à long terme. Le nom de notre société se compose du mot « Rikon », cela montre clairement notre attachement à ce lieu. Cela nous donne une responsabilité, parce que nous devons veiller aux bâtiments. Je trouve que les objectifs de développement durable sont un impératif absolu pour la gestion d’entreprise et qu’ils ont la même importance que le bénéfice.
Tobias Gerfin: En tant que chef d’entreprise, nous avons une responsabilité envers la société. Si nous continuons de la même manière que ces cinquante dernières années, dans cinquante ans, beaucoup de choses n’existeront plus. Et quant à savoir si l’humanité aura alors encore une situation climatique qui lui permettra de vivre convenablement, je mets quelques points d’interrogation.
Tobias Gerfin: Dans le domaine du développement durable, une entreprise ne peut plus se permettre de réfléchir à court terme.
Tobias Gerfin: Un principe est ancré dans notre stratégie de développement durable : chaque année, nous lançons une ligne de produits dont le cycle est fermé. Cette année, c’est un caquelon à fondue composé d’aluminium recyclé et d’un manche en bois. Le choix des matières est un gros défi, car beaucoup de matières se présentent comme étant bio ou écologiques. Et lorsqu’on les examine de près, certains de leurs composants ne sont parfois pas du tout écologiques. Il faut que le service du développement et la direction du produit examinent les choses de manière extrêmement détaillée. Pour Kuhn Rikon, il est important de trouver un équilibre entre la quantité de matières, la durée de vie et la qualité des plats cuisinés. Une poêle à frire dont les parois sont très minces stocke peu d’énergie. Nous privilégions donc des parois épaisses. De plus, faire des économies sur les matières nuit à la durée de vie d’un produit. On peut régler ce problème en amenant toutes les matières dans des cycles fermés. Chez nous, en Suisse, cela fonctionne bien.
Tobias Gerfin: Il n’est pas nécessaire que chaque entreprise dispose d’un objectif zéro émission nette. Mais si une entreprise affirme qu’elle n’est pas intéressée par les objectifs environnementaux, sociaux et de gouvernance d’entreprise, ni par les objectifs de développement durable de l’ONU, je ne crois pas qu’elle puisse survivre à terme.
Tobias Gerfin: Il faut diverses options et coopérations, car une entreprise ne peut pas tout faire seule. Bien sûr que chacun peut faire poser une installation photovoltaïque sur son toit. Mais les émissions de CO2 dues à l’électricité que nous consommons à Rikon se montent à 500 tonnes, alors que nous occasionnons plus de 20 000 tonnes au total. Il faut donc se poser la question : quelles sont mes options pour réduire mon empreinte carbone globale et avec qui puis-je travailler ?
Tobias Gerfin: Oui. Mais le calcul des émissions de CO2 représente lui aussi un défi, car il faut définir des limites internes et externes du système. Pour notre analyse, nous avons sciemment mis de côté les émissions de CO2 de la phase d’utilisation, parce que nous ne pouvons pas dire comment une personne fait la cuisine. Mais ces émissions représentent vraisemblablement 95 % de toutes les émissions produites durant tout le cycle de vie d’une poêle à frire.
Tobias Gerfin: Oui, les objectifs de réduction de chaque entreprise qui participe à l’AEnEC sont examinés par la Confédération, qui rend une décision officielle à leur sujet. De ce fait, la communication a plus de poids qu’avec beaucoup d’autres certificats et labels.
Tobias Gerfin: En 2020, nous avons établi un premier bilan du CO2 pour les scopes 1, 2 et 3. Nous sommes parvenus de justesse à la neutralité climatique pour les scopes 1 et 2, ce que nous avons pu annoncer avec fierté. Mais pour nous, cela n’est pas très sérieux, car ces deux scopes ne représentent que deux pourcents de notre empreinte carbone. Le levier le plus important que nous pouvons actionner est l’aluminium, qui cause à lui seul plus de 30 % de notre empreinte carbone. Dans un premier temps, nous remplaçons l’aluminium primaire par de l’aluminium recyclé et nous réduisons ainsi les émissions de CO2 dues à l’aluminium de 95 %. D’ici à l’été 2024, tout l’aluminium que nous utilisons, y compris les produits chinois, sera de l’aluminium recyclé. Grâce à ce changement, nous réduirons notre empreinte carbone totale de 28 %. C’est une étape importante, mais ce n’est pas suffisant. Nous devons maintenant passer à l’acier, pour faire en sorte d’utiliser là aussi un maximum de matières recyclées, ce qui réduira automatiquement notre empreinte carbone. D’ici 2026, nous voulons avoir diminué notre empreinte carbone de moitié. Pour le reste, nous voulons employer la décarbonation ou l’élimination pour éviter la compensation dans la mesure du possible.
Tobias Gerfin: Notre entreprise emploie des métaux pour sa fabrication et doit transporter des matières. Cela signifie qu’aussi longtemps que nous existons en tant qu’entreprise, nous émettons du CO2. Si nous voulons atteindre l’objectif de zéro émission nette au niveau mondial, nos émissions de CO2 doivent être négatives. Et cela implique de retirer du CO2 de l’atmosphère, autrement dit de procéder à son extraction et stockage. Il n’existe pas d’autre voie.
Tobias Gerfin: Non. Le CO2 est produit au cours d’un processus, et il est éliminé au cours d’un tout autre processus. Par contre, pour moi, renoncer purement et simplement est une fausse approche, même si renoncer à bon escient sera nécessaire.
Nous concluons des contrats d’une durée de trois ans. Nos contrats arrivaient à échéance le 1er janvier 2023. Avec notre dernier contrat, nous payions encore 6 centimes le kilowattheure. En décembre 2021, nous avons reçu une offre à 11 centimes. Mais nous voulions encore attendre. En janvier 2022, nous en étions à 13,4 centimes. Finalement, nous avons conclu le nouveau contrat avec un prix de 24 centimes le kilowattheure valable trois ans. De ce point de vue, la cherté de l’énergie nous atteint très directement. Nos alternatives sont d’employer d’autres sources d’énergie, comme des cellules photovoltaïques sur les toits par exemple. Mais ce sont des investissements conséquents, car nous devons d’abord rénover nos toitures, ce qui coûte beaucoup d’argent. Une entreprise ordinaire ne peut pas se permettre des investissements aussi importants comme si de rien n’était.
Un tiers environ du chiffre d’affaires mondial de Kuhn Rikon SA provient de notre production ici à Rikon. L’acier et l’aluminium viennent d’Europe, mais en Europe, les prix de l’énergie ont aussi augmenté considérablement. Toutefois, un des plus grands défis est le taux de change, car selon moi, le taux actuel entre l’euro et le franc va poursuivre sa baisse et l’industrie a intérêt à se préparer à un taux à 90 centimes. Ce n’est pas tout à fait agréable, mais c’est une pression qui nous garde en forme.
Tobias Gerfin: Notre façon de cuisiner ne changera pas fondamentalement, car cuisiner se transmet de génération en génération. Nous avons donc un processus de changement très lent.
Tobias Gerfin: C’est possible. Nous menons par exemple une coopération avec V-Zug pour un plan de cuisson doté d’un capteur de température et relié à une application. Mais c’est encore une niche et il sera difficile de persuader un très large public.
Dans quel but Bruker BioSpin mise-t-elle sur l’offre
« Gestion efficace des ressources » de l’AEnEC ? Cédric Laffely, membre de la direction de Bruker BioSpin, explique cette décision.
La gestion efficace des ressources exerce une fascination quasi magnétique pour Bruker BioSpin, car si elle présente un intérêt environnemental, elle s’inscrit aussi au cœur de sa démarche entrepreneuriale. Avec le soutien de l’AEnEC, le site de Fällanden (ZH) du fabricant d’aimants a franchi son premier pas vers l’économie circulaire.
Sur son site de Fällanden (ZH), Bruker BioSpin fabrique sur mesure des systèmes destinés à la science et à la recherche. Ce qui fait la valeur de ces petits aimants à l’apparence anodine de petits silos n’est pas visible pour l’œil. Et pourtant, c’est essentiel ; le fabricant de ces instruments scientifiques s’est fixé pour but d’améliorer la gestion de ses ressources avec le soutien de l’AEnEC. Pour ce faire, il examine dans le détail tous les composants de ses systèmes magnétiques.
L’idée a germé dans l’esprit de Didier Bitschnau, responsable du projet Facility Management de Bruker, qui explique : « Les économies d’énergie et l’économie durable font partie intégrante de la philosophie d’entreprise de Bruker ». Le spécialiste travaille chez Bruker depuis plus de douze ans. Autant dire qu’il connaît le site comme sa poche. Mais il n’empêche que les matières employées pour les systèmes magnétiques, et donc leur empreinte environnementale, restaient pour lui un mystère. Car si les velléités de réduire l’utilisation des ressources ne manquaient pas, il manquait une conception d’ensemble : « Quand Almut Sanchen a présenté l’offre de gestion efficace des ressources développée par l’AEnEC, j’ai été convaincu sur-le-champ », se rappelle le spécialiste. Lorsqu’il a présenté cette offre à son équipe, l’intérêt était marqué. « Didier était tout feu tout flamme. Il nous a transmis son enthousiasme », complète Pascal Marcher, Head of Facility Management, qui réalise ce projet conjointement avec Didier Bitschnau.
La volonté de Bruker d’ancrer la gestion efficace des ressources dans son fonctionnement est aussi motivée par des considérations stratégiques. « Un nombre croissant de clients veulent connaître l’empreinte environnementale de nos aimants et les émissions de CO2 qu’ils impliquent », explique Pascal Marcher. Bruker entend apporter une réponse étayée à ces questions. Une grande partie de ses clients sont d’ailleurs des centres de recherche réputés, à l’image de l’EPFZ, qui utilise les aimants Bruker dans ses travaux de recherche. « Nous ne voulons pas être dans les approximations, nous voulons fournir des données exactes », complète le spécialiste. Il ajoute que les aimants sont fabriqués avec diverses matières limitées et parfois difficilement disponibles , notamment en raison de facteurs géopolitiques qui jouent un rôle crucial dans leur approvisionnement. « En ce moment, nous ne recevons pas certaines matières premières à cause de la guerre en Ukraine », explique Pascal Marcher. Dans ce contexte, la gestion efficace des ressources gagne encore en pertinence. « En tant qu’entreprise, nous sommes bien sûr aussi intéressés à réduire nos coûts et la gestion efficace des ressources offre un grand potentiel à cet égard », relève Didier Bitschnau. Les conventions et les objectifs de politique climatique sont un autre critère. Didier Bitschnau est en convaincu : « La gestion efficace des ressources sera bientôt soumise à de nouvelles prescriptions ». Cette perspective le motive tout naturellement à avoir un temps d’avance pour dire au monde politique : « Regardez par vous-mêmes, nous nous améliorons en permanence ».
Bien consciente de ces avantages, la direction de Bruker BioSpin, l’Executive Management Team, apporte un soutien convaincu au projet. « L’exemple que je préfère citer est le chauffage à mazout que nous avions, que nous avons remplacé par une pompe à chaleur. Nous économisons désormais plus de 400 tonnes de CO2 par an. Ce sera exactement la même chose avec la gestion efficace des ressources : un investissement de départ qui sera payant à long terme », explique Cédric Laffely. Les objectifs de cette démarche sont clairement définis : « Réduction de la consommation des ressources par les entreprises et tout au long du cycle de vie du produit, action face aux difficultés d’approvisionnement et aux charges environnementales et passage de l’économie linéaire à l’économie circulaire », résume Almut Sanchen, cheffe du projet de gestion efficace des ressources à l’AEnEC. Bruker réalise une première étape en procédant à la saisie des principaux composants de son système magnétique de taille moyenne. « Avec l’AEnEC et Almut Sanchen, nous allons maintenant passer en revue les composants jusqu’au dernier écrou. »
Le bâtiment de Bruker. (Photo: Sonja Heusinger)
Le logo de Bruker. (Photo: Sonja Heusinger)
Entretien avec Cédric Laurent Laffely
Monsieur Laffely, vous êtes membre de l’Executive Management Team de Bruker BioSpin. Quel est le rôle de la gestion efficace des ressources sur le site de Fällanden (ZH) ?
La gestion efficace des ressources gagne en importance et c’est aussi le cas pour nous. Nous avons décidé d’une approche proactive : cela signifie se plonger dans les thèmes, apprendre, identifier des mesures d’amélioration, les mettre en œuvre pour, finalement, ne pas se contenter de parler, mais véritablement donner un signal à tous.
Dans quelle mesure la gestion efficace des ressources relève-t-elle d’une démarche stratégique ?
Les économies d’énergie et l’économie durable doivent impérativement faire partie intégrante de notre culture, et la gestion efficace des ressources en fait aussi partie. Lorsque l’on investit en permanence, on peut aussi financer les mesures d’amélioration qui s’imposent.
Vous avez abordé la gestion efficace des ressources en collaboration avec l’AEnEC et vous avez maintenant bouclé la première phase de ce projet. Quels sont vos souhaits pour la suite de cette collaboration ?
J’attends de la collaboration avec l’AEnEC que notre bon partenariat se poursuive et se développe, que nous apprenions les uns des autres et surtout que nous puissions mettre en œuvre ensemble de manière ciblée les différentes étapes et éléments mis en évidence grâce au plan de mesures d’amélioration.
Depuis 2020, Cédric Laurent Laffely est vice-président du Group Excellence & Transformation de Bruker BioSpin.
Voulez-vous améliorer la gestion de vos ressources ? Notre offre « Gestion efficace des ressources » est faite pour vous.
Chiffres
655
collaborateurs et collaboratrices sur le site de Fällanden (ZH)
15.5 %
des matières achetées sont recyclées
34.8 %
des déchets sont recyclés
Plus de 8500 collaborateurs et collaboratrices de Bruker, qui travaillent sur plus 90 sites, permettent à des scientifiques de faire des découvertes révolutionnaires et de développer de nouvelles applications qui améliorent la qualité de vie. Le groupe Bruker BioSpin est leader mondial du développement et de la fabrication, au moyen de la technologie de la résonance magnétique, d’instruments et de leurs logiciels. La technologie de la résonance magnétique inclut notamment la spectrométrie de résonance magnétique nucléaire (RMN), la spectrométrie de résonance paramagnétique électronique (RPE) et des systèmes d’imagerie préclinique.
« Pour conserver nos marges, nous travaillons à nous libérer des coûts de l’énergie, dont on ne sait ce qu’ils seront demain. » Ces mots, qui remontent à près de dix ans, sont le credo du co-directeur d’une PME qui s’était déjà engagée alors sur la voie de la décarbonation.
En 2014, la loi sur l’énergie du canton de Vaud entre en vigueur. Un article enjoint les grands consommateurs à prendre des mesures pour réduire leur consommation énergétique et leurs émissions de CO2. À cette occasion, l’AEnEC et la Chambre vaudoise du commerce et de l’industrie (CVCI) co-organisent une conférence de presse à Lausanne. La conseillère d’État Jacqueline de Quattro y participe, tout comme Denys Kaba, co-directeur de Metalcolor SA, PME grande consommatrice d’énergie. L’entreprise, installée à Forel (VD), est spécialisée dans la peinture sur bande d’aluminium et exporte plus de 90 % de sa production dans l’Union européenne.
À la question « Les nouvelles contraintes légales sur l’énergie affecteront-elles votre compétitivité sur les marchés européens ? », Denys Kaba avait délivré cette réponse tranquille : « Non, car nous travaillons depuis de nombreuses années à améliorer et à certifier l’efficacité énergétique de notre entreprise. Nous sommes convaincus que la réduction de nos coûts énergétiques et de notre dépendance vis-à-vis des combustibles fossiles, ainsi que nos certifications, constitueront à terme l’une des clés de notre compétitivité sur des marchés très concurrentiels. » Pour Metalcolor, améliorer l’efficacité énergétique est un moteur pour des investissements structurels et aussi pour des optimisations de processus réalisées collectivement. Dans cette approche, chaque collaborateur et collaboratrice traque le moindre gaspillage à tous les niveaux : énergie, matières premières, déplacements, gestes, temps d’action, et peut suggérer une pratique plus judicieuse.1
« L’énergie est l’une des clés de notre compétitivité sur des marchés très concurrentiels. »
Denys Kaba, co-directeur, Metalcolor SA
Puis début 2015, la Confédération annonce l’abandon du taux plancher du franc face à l’euro. Les entreprises exportatrices font la grimace, mais le discours de Denys Kaba ne change pas : « Nous entretiendrons nos marges en nous libérant le plus possible des coûts de l’énergie, qui sont volatils et imprévisibles. »
Sept ans plus tard, cette volatilité a pris la forme d’une nouvelle réalité mondiale plus que préoccupante. Au début de l’été 2022, Denys Kaba peut cependant constater que « Metalcolor n’est pas affectée par l’envol des prix de l’énergie ». En effet, l’usine s’est récemment dotée d’un volumineux incinérateur de solvants, qui ne nécessite qu’un peu de gaz pour sa mise en route. Ensuite, le fonctionnement est auto-entretenu au moyen de la chaleur récupérée de la destruction des solvants. Et les excédents de chaleur permettent de chauffer tout à la fois les fours des deux lignes de laquage, les vastes halles de production et de stockage ainsi que le bâtiment administratif voisin, autrefois chauffés au mazout. Grâce à cet investissement et à d’autres mesures d’optimisation, l’intensité en CO2 de Metalcolor a été améliorée de 40 % en comparaison avec 2013. Quant à l’électricité, 40 % des besoins de l’entreprise sont couverts par la production d’une centrale photovoltaïque en contracting installée sur les toitures. Ce sera même deux tiers dès lors qu’une solution de stockage sera en place.
En résumé, bien avant que le thème ne soit devenu d’une brûlante actualité, comme en témoignent les manifestations pour le climat et des événements météorologiques extrêmes, une entreprise a poursuivi résolument sur la voie de la décarbonation, pour « se libérer des coûts de l’énergie et de leur volatilité ». Elle s’est ainsi donné les moyens d’amortir le choc d’une crise énergétique sans précédent sur fond de conflit. Et par là-même, elle s’est assurée de rester concurrentielle.
1Fokus 2021, p. 66, Lean & Kaizen
Metalcolor SA
Forel, VD
+ 60,1 %
Efficacité énergétique (2013-2021)
– 37,2 %
Intensité en CO₂ (combustibles)
Fabricant d’isolants et de produits d’étanchéité, swisspor s’est résolument engagé sur la voie de la neutralité carbone. Visite des deux usines de Châtel-Saint-Denis (FR) aux performances énergétiques remarquables, pour parler économie circulaire.
Les camions de swisspor profitent de leurs tournées de livraison pour opérer des collectes de PSE usagé et ainsi ne rentrent pas à vide.
Après tri et, au besoin, nettoyage, les déchets de PSE sont recyclés en matière première, reconditionnés sous la forme de granules.
Châtel-Saint-Denis est l’un des sept sites suisses de production de swisspor. Ce fabricant de produits d’isolation et d’étanchéité compte douze autres implantations dans cinq pays d’Europe, dont la production est chaque fois utilisée localement, pour limiter les transports. Le site de Châtel-Saint-Denis héberge deux vastes usines où s’activent 147 collaborateurs et collaboratrices. Situées à 700 mètres l’une de l’autre, elles affichent un même gris anthracite parsemé des bleu, jaune, rouge du logo de la marque. Construite en 2010 pour remplacer l’usine Luxit, l’usine « Châtel I » est dévolue au polystyrène expansé (PSE), le plus léger, bien connu comme isolant ou protection à l’intérieur d’emballages. L’usine « Châtel II », qui date de 2017, est dédiée aux plaques isolantes robustes du polyuréthane (PIR). « Ne serait-ce que par l’utilisation de ses produits d’isolation par notre société, swisspor contribue grandement à une meilleure efficacité énergétique et à une réduction des émissions de CO2. » Ingénieur chimiste de formation, Jacques Esseiva est aujourd’hui directeur technique de swisspor Romandie SA. Alors qu’il ajoutait à son cursus un master en développement durable, il avait calculé cet impact : « J’ai estimé qu’une fois installés, les produits d’isolation permettent des économies d’énergie équivalant à 22 000 fois leur énergie grise, en prenant en compte l’énergie investie pour construire les usines, l’énergie nécessaire à la production, au transport et à la mise en place, et en tablant sur une durée d’utilisation de soixante ans. »
Aussi impressionnant que soit ce chiffre, l’engagement énergétique et climatique de swisspor ne s’arrête pas là. « Les usines Châtel I et Châtel II sont des bâtiments et des infrastructures récents, bien de leur temps, conçus pour offrir une efficacité énergétique optimale. Dans la production, nous apportons des améliorations constantes à nos procédés, en visant la neutralité carbone », explique l’ingénieur (voir le QRcode en fin d’article pour en savoir plus). Et des efforts se concentrent notamment vers le recyclage des polystyrènes expansés et extrudés, aujourd’hui encore le plus souvent incinérés.
Ces matériaux sont plutôt simples. Le polystyrène expansé est constitué à 98 % d’air. Cet air est emprisonné par 2 % de matière devenue solide par le chauffage et le soudage entre eux de petits granules sous l’action de vapeur d’eau.Cette structure légère recèle une bonne proportion de cavités que ne présente pas la mousse compacte du polystyrène extrudé. « Leur recyclage n’est en soi pas une nouveauté », précise Jacques Esseiva. « Dès 1998, l’association PSE suisse, qui réunit les fabricants d’isolants, avait initié dans toute la Suisse un concept de récupération, pour que les déchets de polystyrène expansé ou de polystyrène extrudé (XPS) soient retournés aux fabricants et recyclés pour redevenir une matière première. Chez swisspor Romandie SA, nous récupérions déjà les poussières et les chutes de production pour les réinjecter dans nos cycles de production. »
La vraie nouveauté tient à l’échelle visée : « Il s’agit notamment d’intensifier la collecte dans les déchetteries communales, les hôpitaux et les commerces, et d’assurer que le PSE et le XPS récoltés intègrent les filières de recyclage : aujourd’hui, 60 à 70 % sont encore incinérés », insiste Delphine Hochgeschurtz, cheffe de projet recycling chez swisspor Romandie SA. Des améliorations dans les procédés de tri et de nettoyage visent aussi à exploiter pleinement le potentiel des déchets de chantier. « Le plus souvent, ces déchets sont mêlés à d’autres matériaux comme des colles, des plâtres, du ciment ou de la terre. Une préparation plus complexe s’impose mais aujourd’hui, elle est bien maîtrisée. Jusque récemment, les polystyrènes produits avant 2012 ne pouvaient pas être recyclés car ils contenaient un retardateur de flamme désormais interdit. Mais swisspor développe un procédé permettant de l’extraire et ces déchets seront très bientôt recyclables. »
Sur le lieu de récolte, le matériel récupéré est compacté, ou pas : s’il est déjà compacté, il est transféré directement à l’usine swisspor de Boswil (AG). S’il n’est pas compacté, il est d’abord envoyé à Châtel-Saint-Denis dans des camions de livraison, qui effectuent ainsi leur trajet de retour à plein. Ce matériel est trié, broyé, nettoyé et compacté avant de rejoindre Boswil, où la matière première issue du recyclage est préparée pour l’ensemble du groupe, sous forme de granules mêlés de différents additifs, dont du graphite et un retardateur de flamme. Ces granules seront expédiés vers les sites de production, où un nouveau cycle débute: ils sont expansés, éventuellement leur masse pourra être extrudée. Ils sont moulés puis découpés avant de partir vers leur nouvel usage. En attendant d’effectuer un nouveau cycle, à plus ou moins long terme…
« Le polystyrène doit intégrer plus les filières de recyclage, car 60 à 70 % sont encore incinérés. »
Delphine Hochgeschurtz, cheffe de projet recycling, swisspor Romandie SA
Si les chiffres les plus récents comptabilisent la matière première recyclée en centaines de tonnes, le potentiel se compte en milliers de tonnes ! Quelques chiffres encore sont éloquents : « Un isolant composé à 100 % de matière recyclée complètement traitée offre un bilan carbone cinq fois plus favorable qu’un isolant qui comporte 0 % de matière recyclée », souligne Jacques Esseiva. Entre ces deux taux, évidemment, le bilan dépend du pourcentage de matériel recyclé. La performance est encore plus spectaculaire si les déchets ne nécessitent pas de traitement poussé : l’empreinte carbone peut être 25 fois plus faible ! « Pour l’heure, compte tenu des circuits de collecte, nous répartissons les matériaux recyclés parmi nos produits standard à raison de 10 % par produit, ce qui améliore leur bilan carbone de 8 %. » La circularité et l’éco-conception ont un bel avenir, pour les habillages de façade notamment : depuis 2021, swisspor propose swissporTERA. Ces plaques en mousse structurée, à la teneur élevée en particules minérales, sont plus légères que la laine de roche et présentent des performances élevées. Pratiques à poser, grâce à des propriétés ignifuges qui évitent certains aménagements, elles sont évidemment 100 % recyclables. Indéfiniment…
swisspor Romandie SA Châtel-Saint-Denis, FR Châtel II (2019-2021)
+ 7,5 %
Efficacité énergétique
-28,9%
Intensité en CO2 (combustibles)