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COMPOSER UN TUBE ? UNE RECETTE PARFAITE

02.02.2022

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Geberit Fabrication SA à Givisiez (FR) produit des tubes composites pour transporter l’eau potable. Grâce à une amélioration de procédé et à un changement de matière première, l’usine a réduit sa consommation de gaz de 90 % et a considérablement amélioré son bilan carbone.

Un polyéthylène, une bande d’aluminium et de l’adhésif : les ingrédients d’un tube composite destiné au transport de l’eau potable.

« Le polyéthylène en pâte très fluide (au centre) jaillit d’une tête d’extrusion. Fluidité éphémère : il durcit immédiatement, conformé en tube », explique Olivier Jeanbourquin, responsable Qualité et environnement.

Olivier Jeanbourquin, responsable Qualité et environnement

Geberit Fabrication SA à Givisiez, l’un des trois sites de production en Suisse du leader européen du sanitaire, est dédiée à la fabrication de tubes composites pour l’eau potable. Cette usine a succédé en 1991 à une première usine, construite en 1981 à Marly sous l’enseigne Fluid Air Energy (FAE) et détruite par un incendie en 1988. Le groupe Geberit est entré dans le capital actions de FAE en 1987, avant d’en faire l’acquisition en 2001. Le nouveau bâtiment a été agrandi de nouvelles halles en 2004 puis 2008. Le site déploie aujourd’hui sur 20 000 m2 cinq lignes de production de tubes flanquées d’aires de conditionnement. Ses ateliers et bureaux accueillent 56 collaboratrices et collaborateurs, pour une activité qui voit se relayer en continu trois équipes, succès oblige.

UNE GENÈSE SUR 80 MÈTRES, OU PLUS

Un tube destiné à transporter de l’eau potable doit satisfaire à de hautes exigences techniques et respecter toutes les normes propres à chaque pays de destination. Olivier Jeanbourquin, le responsable Qualité et environnement de l’usine, nous accompagne au long de la mise en forme d’un « tube en barre », rigide, type « petite conduite ». Nous sommes dans la technique sanitaire, l’échelle n’est pas celle des grandes canalisations. « Notre production est constituée pour moitié de tubes en barres dans des diamètres qui vont de 16 à 75 mm selon les modèles. Dans des diamètres plus petits, de 16 à 32 mm, un quart de notre production consiste dans des tubes en rouleaux nus et un autre quart dans des tubes en rouleaux isolés avec de la mousse de polyéthylène », précise le technicien.

Tout commence par de petits granulés de PE-RT, un polyéthylène. Chauffés, les granulés se muent en une pâte très fluide qui jaillit d’une tête d’extrusion pour habiller un support de métal cylindrique. Ce jaillissement de plastique presque vaporeux est un fantôme éphémère : quelques centimètres plus loin déjà, la pâte a durci après avoir pénétré dans une chambre sous vide – afin de garantir les dimensions du tube – dans laquelle elle a été refroidie avec de l’eau. Il lui reste maintenant à traverser les 80 à 110 mètres de la ligne de production. « Ligne » est ici un terme plus qu’approprié pour ce trajet rectiligne, parfois courbe selon la vitesse de production du tube, et qui se terminera avec un coup de scie. En route, le tube, en cours de fabrication est d’abord enrobé d’une couche mince d’adhésif, puis gainé d’aluminium à partir d’une bande qui le rejoint en continu par au-dessous. Celle-ci est repliée en cylindre et soudée – par arc électrique avec électrode au tungstène ou par laser selon les lignes de production. Une brève étape de chauffage fixe l’adhésif désormais enclos et déjà, l’aluminium est à son tour recouvert d’un autre adhésif avant qu’une ultime extrusion n’habille le tout d’une couche extérieure de PE-RT – retenez le nom, nous en reparlerons. Définitivement refroidi, le tuyau file vers la scie, qui le taillera à la longueur souhaitée – selon les produits, ce peut être 3, 5, 25, 50, 100, 120, 200 ou 250 mètres – après qu’il a été marqué, par jet d’encre ou laser, avec les diverses indications qui permettront sa traçabilité et avec la mention des différentes normes internationales et nationales auxquelles le tube se conforme.

Nul besoin toutefois d’aller trop loin pour retrouver un éventuel lot problématique, comme le souligne Olivier Jeanbourquin : « Le contrôle de conformité et de qualité est constant. Des mesures automatiques de diamètre sont opérées tout au long de la ligne et les résultats s’affichent en temps réel sur un écran. Si une valeur est hors tolérance, la partie de tube défectueuse est automatiquement identifiée et éliminée en fin de ligne. » De plus, des échantillons sont fournis automatiquement à intervalles réguliers par la ligne de production. Ils sont contrôlés visuellement, mesurés et subissent des tests normalisés, notamment sur la tenue des adhésifs. Ces tests s’effectuent dans un local climatisé installé au coeur des lignes. Les résultats sont saisis informatiquement et apparaissent en rouge sur les écrans de contrôle en cas de valeur hors tolérance. Après quoi les échantillons sont transmis au laboratoire pour des tests de résistance à la pression.

QUESTIONS DE KILOMÈTRES

Une fois validés, tubes en barres ou rouleaux – ceux-ci longs de 50 à 250 m – sont emballés, prêts pour l’expédition. Plus de 20 millions de mètres de tuyaux sortent annuellement des lignes de Givisiez. Cette production est intégralement envoyée au centre logistique de Pfüllendorf, dans le Bade-Wurtemberg – où a été établie en 1955 la première filiale de Geberit hors de Suisse. Cette centrale stratégiquement située voit converger tous les produits du groupe. « Comme les distributeurs ou les chantiers nécessitent généralement un assortiment de produits issus de plusieurs sites de production spécialisés, la centralisation permet d’optimiser et de limiter les transports, pour un gain à la fois économique et écologique », explique Olivier Jeanbourquin.

Les objectifs environnementaux et climatiques appliqués au sein de l’usine de Givisiez s’inscrivent de même parmi les décisions prises au sein de la maison-mère de Rapperswil-Jona. Une part des mesures mises en oeuvre relèvent des désormais « classiques » du temps. « Notre éclairage a passé au LED, notre courant est certifié vert et 3048 m² de panneaux solaires en contracting sur notre toit assurent depuis 2013 11 % des besoins de l’usine. Sur le toit également, nos équipements de free cooling génèrent le froid pour le refroidissement des tubes en cours de production. Et nous appliquons depuis 2014 un programme de remplacement des moteurs DC par des moteur AC énergétiquement plus efficaces », détaille Olivier Jeanbourquin. D’autres mesures sont plus spécifiques au site, telles que la substitution de la soudure par laser à la soudure avec électrode : « Le laser livre un travail plus rapide avec moins de rebut, d’où gain de temps et d’énergie ». De même, le marquage par laser des informations sur les tubes se substitue à l’impression par jet d’encre, qui nécessite un traitement plasma et un nettoyage régulier des têtes d’imprimante. Là aussi, le rebut et les pertes de temps diminuent, tandis que les solvants sont complètement abandonnés.

« Le PE-RT, quand il a été reconnu par les normes, nous a ouvert de nouvelles perspectives énergétiques. »

Olivier Jeanbourquin, responsable Qualité et environnement

ÉNORME PROGRÈS, PROGRÈS DES NORMES ?

Une amélioration de procédé suivie d’un changement de matériau a conduit à des progrès énergétiques majeurs pour l’usine. Longtemps, la matière première a été le PE-Xb, qui est un polyéthylène dit « réticulé ». Le PE-Xb nécessitait que les tubes passent par une étape particulière pour activer la réticulation du matériau. « Il leur fallait un séjour de 8 heures dans l’eau en autoclave à 110°C sous une pression de 2 bars, un traitement coûteux en énergie », explique Olivier Jeanbourquin. Une solution avait été trouvée pour dégazer et réutiliser l’eau encore chaude, ce qui avait réduit la consommation de gaz de 60 % environ, et celle d’eau de 90 % ».

L’avènement du PE-RT – nous y revenons – a encore amélioré les choses. De la même famille chimique que le PE-Xb, le PE-RT présente lui aussi une bonne résistance à l’eau chaude, mais il ne nécessite pas, pour sa réticulation, d’étape supplémentaire en autoclave au sortir de la ligne de production. « Quand le PE-RT a été reconnu par les normes ISO relatives aux tubes pour l’eau potable, il nous a ouvert de nouvelles perspectives énergétiques. En demandant toutefois un peu de patience, souligne Olivier Jeanbourquin. Il a fallu obtenir l’homologation de nos tubes composites en PE-RT par les organismes d’accréditation, en passant par des tests effectués par des laboratoires agréés, ce qui a exigé environ deux ans. Ensuite seulement, il a été possible d’adapter nos outils . » La production avec le PE-RT a démarré en 2016 avec pour conséquence énergétique une nouvelle baisse de 60 % de la consommation de gaz. En tonnes d’équivalents CO2, les émissions de l’usine s’établissent aujourd’hui à un sixième de ce qu’elles étaient en 2013. Rapportée au mètre produit, la consommation de gaz a été réduite de près de 90 % depuis 2003.

À côté des mesures que l’on peut appliquer directement pour les procédés et les produits afin de réduire la consommation d’énergie et l’empreinte carbone d’une production, les normes représentent un levier d’action intéressant – ou à défaut un frein potentiel – dans le contexte de la décarbonation. S’agissant de nouveaux matériaux, on peut songer, dans un autre secteur qu’à Givisiez, à certains excès d’exigence visà-vis des ciments : des normes prescrivent qu’ils doivent être purs dans des applications pour lesquelles des ciments mêlés de divers matériaux recyclés suffiraient – ces ciments mêlés affichent un bilan carbone significativement amélioré. Pour en revenir aux tubes pour l’eau potable, « Geberit étant présent sur les marchés de très nombreux pays, avec chacun ses normes propres, y compris au sein de l’Union européenne, toute évolution dans leur composition entraîne un processus long, coûteux et compliqué d’homologation, comme l’illustre notre passage au PE-RT », souligne en conclusion Olivier Jeanbourquin. Si tout pouvait être aussi fluide que ce défilé soutenu, régulier des tubes composites auquel nous avons assisté, le temps d’une visite à Givisiez.


Geberit Fabrication SA
Givisiez (FR)

Le groupe Geberit, qui opère à l’échelle mondiale, est un leader européen dans le domaine des produits sanitaires. Il affiche une forte présence locale dans la plupart des pays d’Europe, avec une offre unique en matière de technologie sanitaire et de céramique de salle de bains.

Son réseau de production comprend 29 sites soit 23 en Europe, 3 aux USA et 3 en Asie. Le siège social du groupe se trouve à Rapperswil-Jona, en Suisse. Avec environ 12 000 employés dans une cinquantaine de pays, Geberit a réalisé un chiffre d’affaires net de 3 milliards de francs suisses en 2020. Les actions Geberit sont cotées au SIX Swiss Exchange et font partie du SMI (Swiss Market Index) depuis 2012.

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