NOTRE MONDE COMME ON LE VERRAIT EN 2050.
Lors de la première guerre punique qui a opposé Carthage à Rome de 264 à 241 avant J.-C., ce sont les batailles navales qui furent déterminantes. Les Romains étaient impuissants face aux quinquérèmes très maniables des Carthaginois (des navires de guerre dont chaque aviron était actionné par cinq rameurs). Jusqu’à ce que les constructeurs de bateaux romains trouvèrent une quinquérème carthaginoise échouée. Ils l’analysèrent, la démontèrent, et la réassemblèrent puis conçurent eux-mêmes cent navires selon le même modèle. Ensuite ils se demandèrent ce qu’il manquait encore à leur embarcation. Et ils la pourvurent d’un corbeau. Lors de la bataille navale de Mylae en 260 av. J.-C., les quinquérèmes romaines équipées de ce corbeau d’un nouveau type vainquirent les ennemis carthaginois.
Il s’agit là d’un des premiers exemples historiques documentés de rétro-ingénierie : lorsqu’on voit quelque chose qu’on ne comprend pas, on le démonte afin de comprendre son fonctionnement interne. Puis on le réassemble – afin de vérifier si on a compris sa mécanique, et ensuite on l’optimise.
En l’occurrence, on ne met donc pas au point un produit en partant d’un besoin et en le façonnant pas à pas. On réfléchit à partir du produit fini en faisant marche arrière. Cette approche permet de copier avec brio des objets existants, mais lorsqu’on innove, il est aussi utile de commencer par se représenter un produit fini, un objectif, une vision d’avenir, et puis de se demander comment on a abouti au résultat en question. Que devons-nous modifier aujourd’hui pour aboutir au résultat que nous souhaitons pour l’avenir ?
La beauté de la rétro-ingénierie tient aux multiples applications qu’elle permet.
La beauté de la rétro-ingénierie tient aux multiples applications qu’elle permet. Prenons un exemple compliqué : le mariage. Lorsqu’il y a de l’eau dans le gaz, plutôt que d’entamer une thérapie de couple afin d’identifier le comportement à corriger, les époux pourraient se poser la question suivante : quel type de relation recherchons-nous au juste ? Et quelles sont les étapes à franchir pour y arriver ?
Trop compliqué ? Prenons alors un exemple plus simple : comment sauver le monde. Au lieu de se morfondre comme les Romains qui, lors la première guerre punique, se lamentaient de ne pas posséder des navires aussi performants que les Carthaginois, on pourrait raisonner dans l’autre sens : supposons que nous ayons un de ces navires, comment aurions-nous procédé pour le construire ?
Ce qui, dans notre équation, donne le raisonnement suivant : supposons que nous ayons pu effectivement réduire nos émissions nettes à zéro, qu’aurions-nous fait pour y arriver ? Quel regard porterait-on sur l’année 2021 en 2050 ? Quelles seraient les différentes étapes à accomplir ? Et comment aurions-nous procédé ? Nous serions-nous uniquement attachés aux moyens à mettre en œuvre pour réduire nos émissions de CO2, ou aurions-nous aussi réfléchi à la manière nous voulons vivre – et organiser notre mobilité, notre travail, et nos interactions ?
Pour voir a priori si notre stratégie fonctionne, il suffit de se livrer d’emblée à une petite séance de gymnastique intellectuelle : un citoyen de 2050 qui voyage dans le temps apparaît devant vous et vous explique que votre stratégie était erronée. Quelle est la partie de votre plan qui a échoué selon vous ? Il suffit alors de la rectifier.
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03.07.2024