120 personnes du monde de l’entreprise, du conseil en énergie et de l’administration ont assisté au 22e forum romand de l’AEnEC, ce 16 novembre à Sion, à Energypolis. Efficacité énergétique, énergies renouvelables et décarbonation ont été une nouvelle fois au centre des débats.
Incitées par la clientèle et par une législation toujours plus exigeante, les entreprises doivent réduire leur empreinte environnementale. Répondre à cet impératif est-il un frein à la compétitivité, ou au contraire un moteur ? Au fil d’un enchaînement copieux d’exposés et d’ateliers avec des intervenants de premier ordre, mêlant théorie et pratique, les participants au 22e Forum romand de l’AEnEC ont pu faire le plein de réflexions et de solutions potentielles pour le court et le moyen terme.
By loading the video, you agree to Vimeo’s privacy policy.
Learn more
En guise de mise en contexte, Martin Kernen, membre de la direction de l’AEnEC, qui présidait à cette journée, s’est brièvement entretenu avec Michael Frank, directeur de l’Association des entreprises électriques suisses. Celui-ci a affiché une relative confiance quant à l’approvisionnement en électricité tout en appelant à poursuivre les efforts d’efficience et d’économie. Si la tonalité de la journée n’a pas été trop empreinte d’inquiétudes sur d’éventuelles pénuries, un atelier était néanmoins proposé l’après-midi sur cette question et comment s’y préparer, avec Danilo Cretegny, Conseiller AEnEC, Groupe E, et Alain Fugier, Infrastructure Maintenance Manager de CordenPharma. Michael Frank a par ailleurs souligné, sans surprise, que le contexte international ne prêtait pas à une détente significative s’agissant des coûts de l’énergie. « Que peut faire l’AEnEC ? », lui a demandé Martin Kernen. La réponse, fort simple : « Continuez ! ». De quoi aussi encourager les représentants d’entreprises présents à prêter d’autant plus d’attention aux exposés qui allaient suivre.
Frank R. Ruepp, qui deviendra le 1er janvier 2024 le nouveau directeur de l’AEnEC, successeur du duo Thomas Weisskopf et Erich Kalbermatter, a brièvement donné sa vision de l’agence pour les années à venir : bien évidemment en évolution constante pour servir toujours au plus près des réalités du terrain – technique, administratif, politique… – bientôt 5000 entreprises participantes sur les thèmes qu’elles plébiscitent : efficacité, décarbonation, énergies renouvelables, efficacité des ressources, économie circulaire, durabilité, soutiens financiers… L’infatigable Thomas Bürki, qui fut de la première application à Zürich du modèle des conventions d’objectifs, étendu par la suite à la Suisse entière via la création de l’AEnEC, devait plus tard dans la matinée illustrer les propos de Frank R. Ruepp en détaillant l’extension aux ressources matérielles du modèle qui a fait le succès de l’AEnEC pour l’énergie : analyse, définition d’objectifs d’amélioration, planification, suivi de la mise en œuvre, soit l’économie circulaire vues dans la culture de pragmatisme et de simplification chère à l’agence.
Auparavant, Simone Marchesi, de l’OFEN, avait présenté le nouveau programme INCITE de SuisseEnergie, auquel l’AEnEC s’associe, qui vise un important gisement d’économies d’énergie – et donc de coûts – par l’optimisation des entraînements électriques. Ces équipements représentent jusqu’à 80 % de la consommation de courant des entreprises, et des économies jusqu’à 40 % voire 60 % peuvent être atteintes, par redimensionnement, ajustement, optimisation en appliquant une vision d’ensemble, systémique. L’OFEN met à disposition un centre de compétence, des outils d’analyse et des aides financière, l’AEnEC est présente sur ce programme par des conseillers qui recevront une formation spécifique. Les conseillers AEnEC Yannick Riesen et Patrick Reusser, associés à Daniel Wirz et Joël Clerc, de Liebherr Machines Bulle SA – ont présenté ensuite, lors des ateliers, un exemple concret de réalisations dans ce champ d’économies hautement prometteur.
Autant pour une actualité immédiate, les autres orateurs et oratrice, en plénière et lors des ateliers de l’après-midi, ont esquissé à plusieurs voix une vision de l’avenir où de nouvelles technologies, actuellement en phase de développement ou déjà au stade des premières applications, prendront leur place dans un approvisionnement énergétique en voie de décarbonation. François Maréchal, professeur à l’Industrial Process and Energy Systems Engineering, EPFL Valais Wallis, a lancé les réflexions dans une impressionnante synthèse des questions, des moyens, des synergies, des étapes devant mener à la défossilisation de l’industrie en jouant habilement de l’hydrogène, de l’eau, du méthane, du CO2 notamment – une vision systémique magistrale, avec un temps évidemment trop court pour s’y immerger pleinement, mais qui a tout au moins apporté une vision, une feuille de route optimiste pour les décennies qui s’annoncent – « Nous prenons là des décisions pour 20 ans », a insisté François Maréchal, invitant : « Je veux inventer les réponses, s’il vous plaît, vous, inventez les questions » !
Juliana Leon, spécialiste pour les gaz renouvelables chez Planair SA, lui a fait écho sur le rôle de l’hydrogène, qui a déjà fait son chemin dans l’industrie – chimie, raffinage, acier… – et se profile dans la mobilité, appelant désormais une production verte, décarbonée : de fait c’est l’étape en cours, explorant différentes technologies. Frédéric Bless, HES OST, chercheur à l’Institut des systèmes énergétiques et Adrian Blunier, membre de la direction de Walter Wettstein AG ont pour leur part détaillé le potentiel des pompes à chaleur haute température. Quant à Jessen Page, Professeur à l’Institut Energie et Environnement de la HES-SO Valais-Wallis, il a présenté un réseau thermique innovant utilisant le CO2 comme fluide caloporteur – le projet pilote est hébergé dans le sous-sol d’Enegypolis.
Toutes visions appelées à se déployer de manière complémentaire dans un avenir proche…
Il est revenu à Sue Putallaz, co-fondatrice et CEO de Mobyfly, de donner à l’avenir une forme plus directement palpable, lors de sa présentation d’un concept de bateaux hydrofoils, c’est-à-dire portés au-dessus de l’eau par des ailes profilées qui annihilent pratiquement la résistance jusqu’à permettre une réduction de 96 % l’énergie nécessaire pour la propulsion – pour l’instant opérée avec des batteries rechargeables, mais le recours aux piles à combustible et à l’hydrogène est en développement afin d’accroître l’autonomie. Les essais sur le Léman ont démontré que cette voie de très belle ingénierie tracée vers une navigation neutre en carbone peut aborder l’étape suivante – expérimentale elle aussi – des premières commercialisations.
Les belles images d’un hydrofoil glissant sur les eaux du Léman ont ainsi anticipé, passé l’apéritif, le retour vers leur port d’attache des 120 participants de ce 22e Forum de l’AEnEC, repartis avec un bagage bien lesté de réflexions et de solutions.
Une démarche prometteuse pour l’optimisation énergétique d’équipements de production : le dialogue direct entre fournisseur et client.
À l’instar de Villars Maître Chocolatier et sa pompe à chaleur développée sur mesure en collaboration avec son fabricant, toute entreprise peut demander à ses fournisseurs d’adapter un équipement à ses besoins spécifiques afin d’exploiter pleinement d’importants potentiels d’économie ou gains d’énergie.
Cette pratique s’installe doucement. « Poser un challenge à un fournisseur pour obtenir un équipement optimisé au niveau consommation d’énergie et fonctionnalités n’est pas encore trop dans les habitudes, indique le conseiller AEnEC Patrick Reusser. Au temps de l’énergie bon marché, on discutait de productivité et de précision, non d’énergie. Souvent aussi, les entreprises n’avaient pas d’interlocuteur bien défini sur ce point. »
Or désormais, des responsables de production, techniciens et directeurs financiers se préoccupent, avec toujours plus d’urgence, de performance énergétique. Pour mesurer finement les forces et les faiblesses de leurs équipements à cet égard, ils ont à leur disposition des outils et des prestataires spécialisés. Munie d’analyses, l’entreprise peut donc établir un cahier des charges spécifique à l’énergie lors de l’acquisition de nouvelles machines ou solliciter de ses fournisseurs l’amélioration d’équipements existants – certains fabricants proposent déjà des solutions « éco ».
Patrick Reusser s’intéresse en particulier aux machines-outils pour lesquelles il n’existe pas de classes énergétiques normées et où, à performances égales, deux machines peuvent diverger d’un facteur 4 dans leur consommation – deux bonnes raisons déjà qui plaident en faveur d’un dialogue étroit avec fabricants et fournisseurs et d’un examen attentif et concerté des spécifications. Ensuite, souligne le conseiller, « un juste dimensionnement de la machine ainsi que son paramétrage doivent être discutés en considérant la taille des pièces à usiner et des lots à produire, le degré de précision réellement nécessaire, etc. »
Patrick Reusser rappelle par ailleurs qu’il est question de systèmes qui multiplient les auxiliaires – pour le froid, l’apport d’air comprimé, d’eau, etc. « On doit pouvoir déclencher tout auxiliaire non essentiel dans une étape de production tout en permettant un redémarrage rapide sans péjorer la productivité. Il faut vérifier si cette possibilité est intégrée d’emblée ou en option seulement », insiste-t-il. Et de remarquer : « Même disponible, un éco-mode peut rester inutilisé, faute d’information donnée à l’opérateur ! À défaut d’arrêt programmable, celui-ci peut être manuel, mais il faut alors exiger qu’il soit d’accès aisé… et en informer l’opérateur. »
Patrick Reusser, conseiller AEnEC, ingénieur en mécanique (HES), il a œuvré de nombreuses années en entreprise dans les matériaux, la conception d’outils coupants et l’industrialisation de procédés d’usinage, avant de rejoindre un bureau d’ingénieurs conseil.
Les entraînements électriques (EE) représentent presque 50 % de la consommation totale d’électricité de notre pays et 80 % dans les industries avec un important potentiel d’économies. Le conseiller AEnEC Nicolas Macabrey livre ici sa longue expérience sur la meilleure manière de tirer profit de ce potentiel.
Nicolas Macabrey (NM): Il s’agit des pompes, des ventilateurs, des compresseurs d’air comprimé et de froid, et de tout autre équipement entrainé par un moteur électrique.
NM: D’après notre expérience, qui porte sur plusieurs centaines d’analyses et de réalisations depuis 15 ans, l’économie d’électricité se situe généralement entre 20 et 40 %, avec des cas extrêmes où la consommation a été réduite de 75 % !
Avant tout, il faut comprendre l’entier du système d’équipements reliés et en mesurer le fonctionnement réel, pour découvrir où se situent les pertes principales. Contrairement à l’idée courante, remplacer le moteur par un moteur plus efficient ne réduira la consommation que de quelques pour cent. Les grandes économies sont ailleurs, notamment dans la remise en question du besoin réel pour la tâche à assurer et dans l’adaptation du système à ce besoin. Par exemple, si le débit d’un ventilateur dépasse le besoin effectif de 25 % seulement, la consommation, quant à elle, est doublée !
De plus, très souvent, l’élément entrainé – pompe, ventilateur ou autre – travaille à un point de fonctionnement très éloigné de son optimum, ce qui induit des pertes importantes. Quand bien même vous auriez acquis la meilleure pompe au monde, si elle fonctionne à un régime pour lequel elle n’a pas été conçue, elle aura un rendement médiocre, voire mauvais.
Le troisième grand potentiel d’économie se situe dans les organes de régulation – clapets et vannes de réglage – qui peuvent détruire inutilement de l’énergie. Dans ce cas, on préconise le remplacement de l’élément entraîné par un élément redimensionné et, dans les cas où le besoin est variable, l’adjonction d’un variateur de vitesse.
Vous comprendrez donc qu’il faut éviter le remplacement à l’identique des équipements, ce qui prolongerait une situation peu efficace pour les 15 à 25 ans à venir. Mon soi-disant secret n’a donc rien d’un mystère : il consiste essentiellement dans cette remise en question des besoins réels et dans le dimensionnement adéquat de chaque système en fonction des besoins.
Composants d’un entraînement électrique et pertes associées
L’Office fédéral de l’énergie (OFEN) a lancé en 2023 le nouveau programme INCITE dédié à l’optimisation des entraînements électriques, programme auquel l’AEnEC s’associe.
L’OFEN a établi un réseau de compétences avec des spécialistes reconnus du domaine pour répondre à toutes les questions des entreprises sur le thème des EE. Ce réseau permet à une entreprise de s’appuyer sur une programmation claire : comment démarrer une démarche d’optimisation des EE, qui peut l’aider, quelles méthodes appliquer, quels outils et quels soutiens financiers spécifiques à l’optimisation des EE sont-ils disponibles.
Les EE peuvent être très nombreux, on en compte de quelques centaines à quelques milliers selon les cas. Dès le début de la démarche, il faut donc se focaliser sur les plus prometteurs. En s’appuyant sur l’outil INCITE que l’OFEN a mis à disposition, l’entreprise, ou son conseiller/sa conseillère, établit d’abord une liste des EE potentiellement intéressants. Les critères de sélection sont simples, les économies potentielles sont estimées au moyen de quelques données de base propres à chaque équipement analysé (âge, taille, temps de fonctionnement), qui permettent de dégager les priorités pour la conduite d’analyses plus poussées. On peut ainsi retenir les équipements qui présentent un potentiel d’économies de plus de 20 %, et un retour sur investissement de moins de 5 ans.
Les équipements sélectionnés feront alors l’objet de mesures par un spécialiste et leur fonctionnement sera analysé en détail. Cette étape est essentielle, car un fonctionnement inefficace ne saute pas aux yeux ! À ce stade, on détermine le besoin réel en étroite collaboration avec le responsable de production et le responsable des installations techniques de l’entreprise.
Avec tous ces éléments rassemblés, on peut préciser le gain d’énergie et dimensionner le nouveau système en définissant les équipements les mieux adaptés.
J’ajouterai que par ailleurs, la démarche d’optimisation des EE met souvent en évidence d’autres dysfonctionnements ou des vulnérabilités auxquels remédier, pour d’autres bénéfices.
Il est possible d’obtenir une aide d’une part pour la phase de mesures et d’analyses, destinées à déterminer quel équipement doit être remplacé et comment, et d’autre part d’être soutenu lors de la réalisation, au moment où les investissements se précisent.
Grâce à ses conseillers et conseillères en contact direct avec les entreprises, l’AEnEC est très bien placée pour apporter un conseil et un accompagnement efficaces. Comme il s’agit d’un enjeu majeur au vu des prix de l’énergie et du risque toujours latent de pénurie d’électricité, l’AEnEC a décidé de soutenir le programme INCITE en formant des conseillers sur ce thème. Ces conseillers bénéficient notamment d’un mentorat, grâce auquel ils sont accompagnés pour une ou plusieurs démarches d’optimisation sur le terrain par des mentors, des ingénieurs spécialisés.
L’optimisation d’une cascade de 3 pompes a fait baisser la consommation de 79 %. Redimensionnement des pompes pour un fonctionnement dans une meilleure plage de rendement. (avant).
L’optimisation d’une cascade de 3 pompes a fait baisser la consommation de 79 % Redimensionnement des pompes pour un fonctionnement dans une meilleure plage de rendement (après).
Ne tardez pas à prendre en mains cette question ! Tout ce qui peut être fait maintenant contribuera à rendre votre facture d’électricité moins lourde et servira également de base pour votre future convention d’objectifs.
Nicolas Macabrey
Ingénieur en électronique (HES), en électricité (EPFL) et Dr ès Science technique (EPFL), Nicolas Macabrey s’active depuis 12 ans dans le domaine des entraînements électriques au sein d’un bureau de conseil. Fort de centaines d’analyses en entreprises, il contribue étroitement à des programmes nationaux et cantonaux et, depuis 2022, conduit le centre de compétence du programme INCITE de l’OFEN.
Les mutations actuelles du monde donnent un élan formidable à la transition énergétique. Que nous parlions de décarbonation, d’efficacité énergétique ou encore de gestion des ressources, nous pouvons l’affirmer, les choses bougent ! L’énergie est aujourd’hui un sujet de discussion fréquent pour les décideurs dans les entreprises.
Mais si l’on veut parvenir au zéro émission nette et à l’économie circulaire, une planification particulièrement rigoureuse s’impose. Nous sommes convaincus que l’approche que nous avons adoptée mène au but recherché, aussi bien pour l’entreprise que pour l’environnement : réduction de la consommation des ressources, durabilité des processus et des produits, diminution des frais énergétiques, réduction de l’empreinte sur l’environnement.
La méthode de l’AEnEC est née dans les années 1990 déjà : face à la hausse prévisible des coûts de l’énergie, l’économie a créé la démarche fondée sur la convention d’objectifs volontaire, qui a ultérieurement été intégré dans la loi sur le CO2 en tant qu’instrument incitatif. Cette démarche débute par une analyse, qui sert de base pour l’élaboration d’objectifs puis pour la mise en oeuvre de mesures d’amélioration. Un suivi mesure la progression au fil du temps. L’amélioration de l’efficacité énergétique obtenue grâce aux mesures d’amélioration devait compenser la hausse des coûts de l’énergie. Aujourd’hui, nous le savons, cette démarche porte ses fruits au-delà des attentes.
Nous abordons désormais les prochaines étapes : nous avons étendu la méthode de l’AEnEC à deux nouvelles prestations, le « Plan Décarbonation » et la « Gestion efficace des ressources », qui sont décrites dans le magazine que vous tenez entre les mains. Vous y lirez aussi nos conseils pratiques pour économiser l’énergie et des informations de fond apportées par des experts en énergie et des spécialistes de la politique.
Nous vous souhaitons une excellente lecture !
Rudolf Minsch
Président
Erich A. Kalbermatter
Co-directeur
Thomas Weisskopf
Co-directeur
La confection du chocolat fait alterner différentes phases de température. Chez Villars Maître Chocolatier, à Fribourg, l’amélioration de l’efficacité énergétique est une priorité depuis très longtemps. Dernier progrès en date sur la voie de la décarbonation : une pompe à chaleur XXL construite sur mesure.
La recette du chocolat, côté énergie ? Elle commence avec les fèves de cacao qui sont transportées dans l’usine pour être nettoyées, triées, torréfiées et broyées dans un moulin. La masse de cacao liquide ainsi obtenue s’échauffe à 80° C. Après refroidissement, elle est mélangée à des ingrédients secs – sucre et poudre de lait – puis pétrie par deux broyeuses en une pâte granuleuse affinée à 18 microns. L’ajout des ingrédients liquides – beurre de cacao pressé à froid, arômes… – prépare le conchage, soit le brassage à 60° C par charges de 3 à 6 tonnes pendant 24 à 72 heures. Enfin, la masse est refroidie à 45° C avant stockage, puis à une température comprise entre 27 et 30° C. Le chocolat peut alors être coulé dans les moules.
Les cibles sont donc nombreuses pour accroître l’efficacité énergétique d’une chocolaterie, et Villars n’a eu de cesse de s’améliorer pour économiser les kWh et réduire ses émissions de CO2. Dès 1980, à peine entré dans l’entreprise, Jean-François Cotting, son actuel responsable énergie, s’était ému de l’eau de lavage et de rinçage qui filait encore chaude à l’égout. « La récupérer et la recycler a réduit fortement nos frais de chauffage », se souvient-il.
En 1995, tous les équipements consommateurs de chaleur avaient été réglés finement, indépendamment, pour une économie annuelle de 80 000 litres de mazout. Une démarche comparable dans les éléments du circuit d’air comprimé a permis de réduire d’un tiers le volume d’air à produire. L’isolation de conduites a apporté une économie de 50 000 kWh par an, la consommation électrique du gros millier de points d’éclairage a baissé de 25 % grâce aux LED, détecteurs et minuteries, tandis qu’une installation de free cooling délivre un froid tout local. Du classique, dira-t-on, efficace, soutenu par 12 techniciens, automaticiens et mécaniciens, stimulés par le défi de nouveaux locaux en 2012 et par l’engagement sans faille de la direction.
Lors de notre première visite, en 2014, le conseiller AEnEC Jean-Daniel Cramatte avait pu souligner que « les objectifs d’efficacité proposés lors de l’audit initial avaient été vite atteints et même dépassés », ajoutant que, côté chaleur, les trois chaudières à gaz produisant, pour l’une, de la vapeur et, pour les deux autres, en alternance, de l’eau à 60° C, « étaient au cœur d’études pour se passer de deux d’entre elles ».
En 2022, nous avons découvert l’aboutissement de ces années de réflexions, tests, mesures et réglages : une pompe impressionnante, qui récupère la chaleur dégagée lors du conchage. Ce bel outil, d’une puissance de 110 kW, a été construit sur mesure en concertation avec le fabricant. Tous les efforts de recherche et développement sont aujourd’hui largement récompensés. Première belle surprise : le coefficient de performance énergétique de la pompe est supérieur aux attentes. Cette superbe machine prend toute son importance dans le contexte de la décarbonation progressive à laquelle la Suisse pays s’est astreinte, objectif confirmé par le peuple dans les urnes. « En exploitation 20 heures par semaine et 47 semaines par an, elle délivre l’équivalent de la combustion de 30 000 m3 de gaz sous forme de chaleur. La réduction des émissions de CO2 se chiffre ainsi à environ 70 tonnes chaque année », précise Jean-François Cotting. Une telle installation a également une utilité immédiate, l’envolée et la volatilité des prix de l’énergie ne pouvant qu’inciter à une autonomie énergétique accrue.
Et nul doute que Villars Maître Chocolatier trouvera dans cette direction bien d’autres recettes dans les trois décennies à venir.
1 180 766 kWh
économisés par an (effet des mesures)
205,55 CO2
économisés par an (effet des mesures par an)
Fondée en 1901, la chocolaterie Villars a été d’emblée un fleuron de l’agroalimentaire fribourgeois, avec son homologue Cailler, les grandes fromageries et feu la brasserie Cardinal. Dotée d’un solide esprit d’indépendance, elle a organisé dès 1911 son propre réseau de distribution.
Après son rachat en 1995 par le groupe français Savencia, la société Villars Maître Chocolatier a poursuivi dans sa dynamique de création et lancé de nouveaux produits sous un logo épuré, seul le V rappelant une tête bovine, stylisée. En 2012, l’usine s’est installée dans un bâtiment de 13 000 m2, repris d’un producteur de pâte à base de levure, à peu de distance de la fabrique historique, classée, qui héberge encore le beau magasin inauguré en 2006.
Villars Maitre Chocolatier produit plus de 3000 tonnes de chocolat par an, entre recettes traditionnelles et innovations régulières. La moitié est distribuée en Suisse, le reste est exporté, en grande partie vers le marché français.
Pour la saisie des composants matériels et des flux d’énergie de l’exploitation, Bruker BioSpin a travaillé avec l’AEnEC pour passer son site de Fällanden (ZH) au crible. Un travail de titan qui a débouché sur des mesures d’amélioration concrètes.
Cuivre, hélium, acier chromé ou encore fils de supraconducteurs au niobium-titane : les matières utilisées pour fabriquer les aimants ne manquent pas, même si la taille des aimants fabriqués par Bruker à Fällanden tend à diminuer. « Rien que le fil qui s’enroule autour d’un petit aimant mesure de cinq à dix kilomètres de longueur », explique Didier Bitschnau, chef de projet Facility Management chez Bruker à Fällanden (ZH) depuis 2018. Pour un aimant de grande taille, le fil de la bobine peut mesurer jusqu’à 100 kilomètres de longueur. En étroite collaboration avec Almut Sanchen, cheffe du projet de gestion efficace des ressources à l’AEnEC, Didier Bitschnau et son équipe ont relevé tous les composants du système magnétique et les ont soigneusement pesés. « C’était un travail titanesque », relate Didier Bitschnau. Mais ce travail a été fructueux : « Là où nous avions encore un angle mort il y a quelques mois, nous disposons maintenant de données saisies systématiquement ».
En compagnie d’Almut Sanchen et Thomas Bürki, chefs de projet à l’AEnEC, Didier Bitschnau et Pascal Marcher, également chefs de projet, ont parcouru le site d’un œil averti dès leur première rencontre en avril 2022. « Pour moi, il était très important de voir le système magnétique en coupe. Cela me permettait de comprendre de quelle manière les composants sont montés et de quelle manière cela fonctionne. Plus nous regardons à l’intérieur d’un aimant, plus nous pouvons être précis dans la saisie des matières », relate l’ingénieure. « Je me suis rendue à plusieurs reprises à Fällanden, jusqu’à ce que nous ayons saisi tous les flux de matières et d’énergie », se rappelle-t-elle. Pour Didier Bitschnau, cette expertise était absolument indispensable dans ce processus. Il évoque cette collaboration : « Almut Sanchen était toujours sur place, elle nous a apporté un soutien sans faille pour la saisie et lorsque nous avions des questions, elle nous a répondu de manière claire et compréhensible. C’est infiniment précieux. »
Aujourd’hui, Bruker BioSpin dispose d’une analyse détaillée de tous les composants matériels et de leurs effets sur l’environnement. Si plus de 700 kilos des intrants de matières dans le système magnétique sont dus aux matières achetées, l’effet le plus important sur l’environnement est dû à l’électronique : « L’empreinte écologique la plus importante est celle des ordinateurs des systèmes magnétiques, car les matières qui y sont utilisées pèsent de tout leur poids, même si elles sont en moindre quantité », explique Almut Sanchen, qui ne s’attendait pas à ce résultat. Didier Bitschnau et Pascal Marcher étaient eux aussi plutôt étonnés : « Nous nous attendions à pouvoir faire plus dans le Facility Management », déclare Pascal Marcher. Or, l’évaluation montre que la majorité de la charge environnementale est achetée en même temps que les matières. Les matières qui occasionnent l’essentiel des effets environnementaux sont très souvent aussi les plus chères. « Cela nous montre que nous devons fermer les cycles », conclut Pascal Marcher. Prenez l’exemple de l’hélium : « L’hélium est une ressource compliquée, parce que c’est un sous-produit », explique Didier Bitschnau. Et pourtant, Bruker a pratiquement fermé les cycles : « Nous tendons de plus en plus à récupérer l’hélium pour aller vers l’économie circulaire. C’est l’une des raisons principales pour lesquelles nous avons décidé de notre projet de gestion efficace des ressources », complète-t-il. Mais des matières alternatives doivent elles aussi être soigneusement auscultées et la documentation de l’AEnEC représente une mine d’informations à cet égard. « Désormais, dans les services concernés, nous envisageons d’utiliser d’autres matières et nous en discutons », annonce Pascal Marcher. Ce résultat le démontre, une saisie systématique du potentiel que recèlent les matières ouvre la voie à de nouvelles mesures d’amélioration.
Les mesures d’amélioration de Bruker BioSpin ont été élaborées avec Almut Sanchen. Concrètes, elles reposent sur l’analyse détaillée de toutes les matières employées et sur leur saisie systématique. Une mesure très importante porte sur les achats de matières : « En augmentant le taux de matières recyclées dans ses matières de départ, Bruker peut exploiter un potentiel substantiel d’économies », déclare Almut Sanchen. La liste des mesures ne s’arrête pas aux achats : elle comporte encore l’analyse de la mobilité des collaborateurs et des adaptations subséquentes, mais aussi des optimisations permanentes des processus, de nouvelles installations photovoltaïques ou encore l’augmentation du taux de récupération de l’hélium au moyen d’optimisations opérées dans les processus. La conception des aimants et des installations de commande est aujourd’hui passée au crible, pour permettre ainsi qu’un important potentiel de réduction de l’empreinte environnementale soit exploité. Faut-il le préciser, les économies réalisées sur les matières ont un impact positif sur les coûts.
Pour Didier Bitschnau, Pascal Marcher et Cédric Laffely, une évidence s’impose : « Ce n’est là qu’un début ». La prochaine étape prévue contient plusieurs volets : mise en œuvre des mesures d’amélioration, définition concrète des responsabilités incombant aux équipes et optimisation de la saisie des données. « Dans le cadre de ce projet, nous avons déterminé l’empreinte environnementale de Bruker à Fällanden ; nous avons identifié les potentiels et nous avons dressé une liste de mesures d’amélioration. Nous avons donc jeté les bases d’une amélioration systématique de la gestion des ressources », conclut l’ingénieure. L’AEnEC développe également une plate-forme dédiée aux données, destinée à en faciliter la saisie et l’accès. « Cela correspond aussi à nos souhaits », commentent Pascal Marcher et Didier Bitschnau à l’unisson. Pour les deux spécialistes, la simplicité dans le relevé et dans la gestion des futures données est très importante, tout comme la facilité d’accès aux données. Car une chose est sûre : « Nous voulons poursuivre sur la voie de la gestion efficace des ressources avec l’AEnEC, ici à Fällanden mais aussi sur d’autres sites », assure Didier Bitschnau.
>700 kg
de matières entrent dans le système magnétique
94,4 %
des matières achetées se retrouvent dans le produit fini
15,5 %
des matières achetées proviennent du recyclage
34,8 %
des déchets sont recyclés
Plus de 8500 collaborateurs et collaboratrices de Bruker, qui travaillent sur plus 90 sites, permettent à des scientifiques de faire des découvertes révolutionnaires et de développer de nouvelles applications qui améliorent la qualité de vie. Le groupe Bruker BioSpin est leader mondial du développement et de la fabrication, au moyen de la technologie de la résonance magnétique, d’instruments et de leurs logiciels. La technologie de la résonance magnétique inclut notamment la spectrométrie de résonance magnétique nucléaire (RMN), la spectrométrie de résonance paramagnétique électronique (RPE) et des systèmes d’imagerie préclinique.