Plaston SA a trouvé une solution pour recycler du plastique non valorisé. Ce recyclage est une des nombreuses mesures d’amélioration que le fabricant a mises en œuvre dans le cadre de sa stratégie de durabilité.
Veronika Wolff, conseillère AEnEC, et Mario Semadeni de Plaston.
Les chutes de plastique que Veronika Wolff tient entre ses mains…
…sont d’abord transformées en granulés, qui servent ensuite à fabriquer des produits neufs.
La mallette rouge vif de la société Hilti est comme un ambassadeur que l’on reconnaît sans même s’en rendre compte. Elle est aussi le produit phare de la société Plaston SA. Sise dans la vallée du Rhin à Widnau (SG), Plaston SA, qui emploie 400 personnes en Suisse, en Tchéquie et en Chine, est leader mondial des mallettes industrielles en plastique.
Légères, ses mallettes sont aussi particulièrement robustes. Leur coque est par ailleurs recyclée en étant moulue et réemployée pour la fabrication de nouvelles mallettes. De plus, la production occasionne des chutes de plastique. « Ces chutes sont créées au moment où les machines sont mises en marche », précise Veronika Wolff, la conseillère AEnEC de Plaston.
Si ce plastique servait auparavant de combustible gratuit pour les usines d’incinération des ordures ménagères (UIOM), il est aujourd’hui partiellement recyclé. « Cela représente vingt tonnes par année », chiffre Mario Semadeni, responsable de la durabilité chez Plaston SA. Au total, 18 % de tous les matériaux utilisés sont issus du recyclage. Pourquoi ce taux est-il si faible ? « Parce que c’est un matériau difficile à travailler. Les chutes sont de relativement grande taille et il est compliqué de les réduire en morceaux plus petits », explique Mario Semadeni. Veronika Wolff précise : « Cette matière est relativement dure, il est donc difficile de la retransformer en granulés ». La matière recyclée, utilisée depuis peu de temps, est une des matières employées parmi d’autres. Et actuellement, pour être recyclable, le plastique doit être de couleur rouge ou noire. Les chutes d’autres couleurs sont brûlées dans l’UIOM. Pour Veronika Wolff, Plaston a déjà fait un premier pas. Mario Semadeni élargit la perspective : « Heureusement, chaque année, le volume à recycler diminue, car le volume global des chutes diminue. »
Plaston SA a pris de nombreuses autres mesures de réduction de son empreinte écologique. La première, qu’elle a prise il y a dix ans, a consisté à participer à l’AEnEC. Soumise à une obligation de participer jusqu’en 2020 en raison de son intensité énergétique, elle poursuit aujourd’hui sa participation de façon volontaire, comme l’explique Mario Semadeni. Pourquoi ? « La participation nous apporte de nombreux bénéfices, pas seulement dans le domaine de l’énergie, mais aussi en termes de coûts. »
Plaston SA est aussi l’une des premières entreprises qui utilise l’offre « Gestion efficace des ressources » de l’AEnEC. Cette offre permet une analyse approfondie des domaines qui concernent l’empreinte environnementale : l’énergie électrique, l’énergie thermique, les machines ou encore le recyclage par exemple. « Pour chacun des domaines, nous avons défini des mesures d’amélioration », relate Mario Semadeni. « Ensuite, pour chaque mesure d’amélioration, nous avons fixé un degré de priorité qui va de 1 à 3. » D’entente avec les responsables des domaines, Plaston SA prépare alors la mise en œuvre des mesures d’amélioration puis surveille régulièrement leur avancement.
Grâce à ce suivi, la société a aussi bénéficié des avis très factuels donnés par les spécialistes concernant certaines situations ou processus, relate Mario Semadeni, qui note : « Cela a permis de faire apparaître de nouvelles idées. » Il ajoute que l’entreprise a ainsi également amélioré ses connaissances concernant ses émissions de CO2, concernant les scopes 1 à 3 par exemple. L’équipe a élaboré un rapport CO2 et calculé les points de charge environnementale (PCE) pour les trois scopes. « Lorsque l’on dispose du scope 3, l’analyse de l’empreinte est complète. C’est d’ailleurs aussi le périmètre qui pèse le plus lourd sur l’empreinte CO2 », poursuit le responsable. « De cette manière, nous avons pu identifier les mesures qui avaient le plus d’impact. » Et le suivi a encore servi de fondement pour la suite des projets : « Nous avons par exemple déterminé l’empreinte CO2 des produits », raconte-t-il. Selon lui, la charge de travail reste gérable. La collecte des données et l’élaboration de la liste de mesures demande six à huit mois pour une PME.
Les données obtenues grâce au suivi permettent aussi de dégager des synergies. « Un projet couvre tout le cycle de vie d’un produit », décrit Mario Semadeni : « il inclut les entreprises en amont et en aval, c’est ainsi que naît l’économie circulaire. » Veronika Wolff, conseillère AEnEC de Plaston SA, a joué un rôle précieux sur ce point. « Elle nous a soutenus dans la gestion de projet, son expérience nous a beaucoup aidés pour la création de modèles », retrace Mario Semadeni. « Nous ne nous sommes pas perdus dans les détails, nous nous sommes concentrés sur l’essentiel et nous savions toujours ce qu’il fallait faire. »
Cette dynamique porteuse se poursuit : « Nous avons dressé une liste des points en suspens, elle comporte plus d’une centaine de mesures d’amélioration », sourit Mario Semadeni. « En ce moment, nous menons des campagnes de sensibilisation auprès des collaborateurs et collaboratrices. Une autre mesure concerne les sous-sols, où nous souhaitons remplacer l’éclairage par des LED et des capteurs de présence », poursuit-il. Une mesure déjà mise en œuvre est le remplacement du transformateur. « C’était un investissement important », commente le responsable de la durabilité.
La liste prévoit également l’utilisation de la chaleur rejetée par les 40 presses d’injection récemment acquises par Plaston SA. Ces rejets de chaleur, qui chauffent les halles de production, pourraient servir pour chauffer les bureaux. « Mais ces presses plus performantes font que nous disposons de moins de rejets thermiques », poursuit-il. Plaston SA prévoit aussi de faire installer une installation photovoltaïque dans deux ans.
Pour en revenir au recyclage, exception faite de la charnière – elle aussi en plastique –, la mallette est faite d’ABS. Comme elle ne contient pas d’éléments métalliques, elle peut être directement broyée. « Nous devons être sûrs que les éléments recyclés disposent des propriétés voulues », explique Mario Semadeni. « À cause des contraintes mécaniques, ce n’est que partiellement le cas pour les fermetures, les charnières et les poignées. Il est possible de les recycler, mais pas pour fabriquer ces éléments. Ou alors, il faudrait les fabriquer pour qu’ils soient plus robustes, ce qui nécessiterait à nouveau plus de matériel. »
S’il regrette qu’il n’existe pas, pour le moment, de solution pour les chutes dans les couleurs qui ne sont pas encore recyclables, le responsable anticipe aussi : « Pour moi, il est naturellement envisageable d’étendre le recyclage à d’autres couleurs, puisque l’on peut colorer n’importe quel plastique en noir. »
Depuis 2012, Forbo-Giubiasco SA a divisé ses émissions de CO2 par deux. En prenant des mesures pour améliorer son efficacité, en adaptant ses processus et en se raccordant au réseau de chauffage à distance.
Bruno Guidotti (à gauche), directeur de Forbo Giubiasco SA, et Walter Bisang (à droite), conseiller AEnEC, élaborent ensemble des mesures d’amélioration particulièrement réussies.
Un peu comme une pâte : d’abord chauffée à 180 °C, la masse employée pour le revêtement se refroidit après avoir été laminée.
Des cordons de soudure de même couleur que la couverture, et conformes à celle-ci, sont employés pour colmater les interstices entre les plaques de revêtement de sol. Un entretien simple pour une hygiène parfaite.
Fabriquées à Giubiasco, les plaques conductrices et isolantes sont utilisées dans l’industrie électrique et électronique partout dans le monde.
Quelles sont les propriétés que doit présenter un revêtement de sol utilisé dans des laboratoires, des salles de radiologie ou dans l’industrie électrique et électronique ? Il doit être conducteur et isolant, tout en évitant les décharges statiques, car il doit protéger les personnes au contact d’éléments sous tension qui seraient sinon dangereux. Si la sécurité des personnes est un argument de vente essentiel, la préservation de la qualité des produits, des appareils électriques sensibles, revêt elle aussi une importance cruciale. Or, une décharge statique est susceptible d’altérer fondamentalement cette qualité. L’expertise de Forbo-Giubiasco tient précisément dans la production de ces sols spéciaux. Ici, au siège de Giubiasco, au Tessin, des plaques de revêtement de sol sont fabriquées à destination du monde entier, avec les cordons de soudure, les angles, les rampes et les plinthes adaptés.
Colorex est un revêtement vinyle non poreux de haute technologie. Respectant des critères d’hygiène très rigoureux, il s’utilise notamment dans les salles propres. En raison des tensions électriques dues aux appareils, il doit aussi isoler tout exerçant un effet antistatique. Si les revêtements des sols ne se déchargent pas statiquement, le frottement des vêtements ou des chaussures produit parfois des décharges électriques, plus particulièrement l’hiver ou par temps sec. Or, tout risque doit être exclu dans ce domaine, où que ce soit dans le monde. Car l’entreprise tessinoise livre sa clientèle aux États-Unis, en Asie et en Europe. Pour Bruno Guidotti, docteur en chimie et directeur de Forbo-Giubiasco SA, il s’agit avant tout d’une relation de confiance. Mais comment fabrique-t-on un tel produit, et quelles sont les étapes de production les plus intensives en énergie ?
Ce sont des allers et retours incessants entre le chaud et le froid.
Bruno Guidotti, directeur
« Imaginez que vous confectionniez une tresse », commence Bruno Guidotti. Tout d’abord, l’entreprise reçoit les matières brutes sous forme de poudre. Ces matières sont dosées et mélangées dans une tour de malaxage de quatre étages. Entièrement automatisé, le processus est piloté depuis une salle de contrôle, d’où il est surveillé en permanence. À la fin du malaxage, après avoir été chauffée à 180 °C, la pâte s’est transformée en une masse homogène et maniable brûlante. « Comme une pâte à tresse », s’amuse Bruno Guidotti. Cette masse chaude est alors pressée dans des calandres pour former un ruban sans fin qui refroidit à l’air. Ensuite, elle est découpée en petites puces carrées, puis enduite d’un liquide noir à base de suie. Le liquide noir est composé de matériau conductible qui garantit que les sols soient antistatiques. Les puces sont à nouveau chauffées dans un grand four sous haute pression – 45 kg/cm2 –, pressées pour former des galettes puis coupées dans la longueur. La surface est ensuite traitée par ponçage, brossage et laminage, puis les plaques passent dans un four de détente dans lequel elles sont d’abord chauffées puis refroidies. À la fin du processus, les plaques sont estampées sur mesure avant de subir un contrôle minutieux. Pour terminer, elles sont mises sur palettes et préparées pour l’expédition.
« Ce sont des allers et retours incessants entre le chaud et le froid », dit Bruno Guidotti du processus de production. Ce processus est donc intensif en énergie, et la production dans son ensemble nécessite beaucoup d’énergie thermique. Fidèle à sa devise « Creating Better Environments », adoptée au niveau mondial, la grande consommatrice qu’est Forbo participe au modèle Énergie de l’AEnEC depuis près de dix ans. Une décennie que Bruno Guidotti et Walter Bisang, conseiller AEnEC, ont mise à profit, notamment en mettant en œuvre des mesures d’amélioration de l’efficacité. L’installation de malaxage et de fonte est chauffée à l’huile thermique, et il en va de même pour la grande presse. Faute d’isolation suffisante, une grande partie de cette chaleur était auparavant perdue. Les machines sont désormais entièrement dotées de gaines qui isolent parfaitement les conduites thermiques. La chaleur reste ainsi mieux dans le processus, ce qui permet à Forbo d’économiser chaque année 70 000 litres de mazout. Ces mesures d’amélioration de l’efficacité, dont le retour sur investissement était de trois ans, sont déjà plus que rentabilisées. « Les mesures d’amélioration que nous mettons en œuvre pour l’environnement doivent aussi être rentables », analyse Bruno Guidotti.
Nous pouvons aborder avec optimisme un futur sans gaz à effet de serre.
Bruno Guidotti, directeur
Pour aller au-delà des mesures classiques d’amélioration de l’efficacité, un examen des processus est utile. Cet examen peut prendre la forme d’une analyse du pincement : « L’analyse du pincement consiste à ausculter soigneusement tous les processus », explique Walter Bisang. C’est précisément la démarche adoptée par Forbo-Giubiasco SA en 2012 et 2014. Prenons l’exemple du four de détente employé à la fin de la production. Sa consommation d’énergie est déterminée surtout par sa température intérieure. « Nous nous sommes demandés si la température de chauffage employée s’imposait », se rappelle l’ingénieur. Les volumes nécessaires d’extraction et d’entrées d’air dans les différents secteurs et les températures de travail ont également passé au crible de la réflexion. Après des adaptations des volumes d’air, la température a été réduite par étapes progressives, tandis que la qualité des produits était surveillée avec une précision extrême. Bilan : là où des températures de 110 °C étaient auparavant nécessaires pour chauffer les plaques, 60 °C sont aujourd’hui suffisants, pour une qualité des produits constante. Si Forbo économise une forte quantité de mazout, cette démarche l’amène plus loin encore : « Maintenant qu’une température de 60 °C seulement nous suffit, nous sommes en train d’envisager de renoncer totalement à l’huile thermique, voire d’assurer les températures relativement basses du four actuel au moyen d’eau chaude », relate Bruno Guidotti. Pour ce faire, le circuit d’eau chaude qui circule dans la fabrique au côté du circuit d’huile thermique à 200 °C, et qui est alimenté par le réseau de chauffage à distance Teris, est envisagé.
L’unique usine d’incinération des déchets ménagers du canton du Tessin est située à un kilomètre de l’usine de Giubiasco. « Nous avons été l’une des premières entreprises du canton à contribuer activement au développement local de l’énergie thermique à distance et aujourd’hui, nous chauffons tout notre bâtiment au moyen de la chaleur à distance et des rejets thermiques de la production », témoigne Bruno Guidotti. « Nous économisons ainsi chaque année 120 000 litres de mazout. » Des projets semblables à celui du four de détente sont envisagés pour accroître la part de chaleur à distance et mener Forbo à un futur décarboné. Ce que cette entreprise a accompli à ce jour impressionne : en mettant en œuvre des mesures d’amélioration de l’efficacité, en lançant des processus d’optimisation et en se raccordant au réseau de chauffage à distance, elle a réduit de moitié ses émissions de CO2 depuis 2012. De 1425 tonnes par an, ses émissions ont passé à 684 tonnes CO2 en 2020 : ce résultat est remarquable.Pour autant, « Il n’est pas possible de se passer entièrement de mazout », relate Walter Bisang, conseiller AEnEC.
« Nous parlons ici d’une industrie qui a besoin de températures élevées pour sa production », explique l’ingénieur. Il n’est pas possible que cette énergie thermique provienne du système de chauffage à distance, car celui-ci génère des températures de 90 °C au maximum. Suffisantes pour chauffer des bâtiments et pour d’autres applications à basse température, ces températures ne sont pas utilisables pour certains processus, pour lesquels Forbo recourt donc à un système avec de l’huile thermique. Parmi les nombreux avantages qu’elles offrent, les installations à huile thermique permettent notamment des réglages d’une grande précision. Mais à l’heure où l’ambitieux objectif de décarbonation de la Suisse nourrit les débats, il n’en reste pas moins que cette source d’énergie n’est pas durable. « Bien sûr que cela nous fait réfléchir et que nous sondons les possibilités en permanence », commente Bruno Guidotti. L’emploi de pellets pour couvrir le besoin de températures élevées est notamment en discussion, mais rien n’est décidé pour l’heure. Pas de quoi faire perdre le sommeil au chimiste : « Ce qui compte, c’est l’état d’esprit : aujourd’hui, même si nous n’avons pas encore trouvé la solution idéale, nous savons que nous allons relever le défi et nous pouvons aborder avec optimisme un futur sans gaz à effet de serre. »
Long de 25 mètres, le four de détente est découpé en segments. La première moitié est destinée au chauffage, la seconde au refroidissement. Durant son passage dans le four, qui dure quelques minutes, le produit (les plaques de sol) est stabilisé (détendu) par ces changements de températures.
28.08.2024