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DES MATÉRIAUX RECYCLÉS POUR CONSTRUIRE L’AVENIR

Mettre en pratique une réflexion axée sur la durabilité n’est pas toujours aisé, notamment quand il faut prendre en compte les lois de la nature. Ce défi, le géant des matériaux de construction Holcim (Suisse) SA s’est employé à le relever avec un certain panache. À force de patience, de sens de l’innovation et aussi grâce à une vraie dose de courage, il a fait un pas de géant en direction de l’objectif de zéro émission nette.

Le calcaire et la marne extraits de la carrière du Gabenchopf de Holcim (Suisse) SA à Siggenthal (AG) servent à fabriquer le clinker utilisé pour le ciment Susteno qui ménage les ressources naturelles.

Sans en avoir l’air, l’omniprésent béton nous facilite la vie à bien des égards. En mettant sa solidité et sa résistance au service de la construction de nos routes, de nos ponts et d’une multitude d’autres ouvrages, il aplanit littéralement nos chemins. Notre modernité ne saurait s’en passer, il remplit pour nous un grand nombre de fonctions. En plus d’être solide et résistant, il offre des qualités esthétiques qui se déploient dans les projets les plus divers. Il se montre aussi particulièrement écologique.

ÉCOLOGIQUE DE PAR SA NATURE

Écologique, le béton ? Vous avez bien lu. Baptisée Evopact, la nouvelle famille de bétons créée par Holcim (Suisse) SA ménage les ressources et offre même, pour certains produits, une neutralité climatique complète. Le ciment Susteno, qui ménage les ressources, est le fondement sur lequel s’est bâti ce progrès. Le ciment agit dans le béton comme un liant. Sa production débute par la préparation d’un mélange de calcaire, d’argile et de marne, extraits de carrières comme celle de Gabenchopf. Ce mélange est utilisé pour former une poudre homogène brute, le cru ou farine. La poudre est cuite à 1450 °C et se transforme en clinker. Cette étape de la fabrication du ciment est la plus importante. Le clinker est la composante cuite du ciment. Mélangé à de l’eau, il a pour effet que le ciment prend et durcit. Du point de vue des émissions, il représente un casse-tête.

Pour produire du clinker, le cru est d’abord chauffé à 1000 °C dans une tour échangeuse de chaleur, puis conduit dans un four rotatif tubulaire. La tour est chauffée par récupération de la chaleur émise par le four. Cette économie d’énergie est « une très bonne mesure d’amélioration », juge Cathleen Hoffmann, ingénieure produits chez Holcim (Suisse) SA, qui précise : « La désacidification de la farine se produit entre 600 °C et 900 °C. Le carbonate de calcium contenu dans le calcaire et dans la marne se décompose et du dioxyde de carbone – le CO2 – est libéré et émis. Ce procédé, qui s’appelle aussi la calcination, est responsable de deux tiers environ du CO2 émis par la fabrication de ciment.

UN MAÎTRE MOT, LE RECYCLAGE

Cette réalité a plutôt pour effet de galvaniser Cathleen Hoffmann. La spécialiste du développement de produits le sait, aujourd’hui, pour construire durablement, il faut choisir des matériaux de construction qui présentent une longue durée de vie, qui sont recyclables et dont le bilan CO2 est favorable. Holcim a donc oeuvré avec une précision de chimiste orfèvre pour mettre au point une recette de ciment idéal, qui offre un taux de clinker réduit pour une qualité égale. Car il est clair que moins il faut de clinker, moins il faut cuire de matières premières, et donc plus les émissions de CO2 liées au processus de production sont réduites. Mais la solution va encore plus loin : Holcim remplace une partie du clinker par du granulat de démolition non trié, autrement dit par un matériau minéral de grande valeur récupéré sur des bâtiments voués à la démolition. En évitant que ce matériau ne devienne un déchet, Holcim clôt le cycle des matériaux de construction. Le taux de clinker du ciment Susteno se monte aujourd’hui à 55 %. De ce fait, les émissions de CO2 sont réduites de 10 %. Cette progression est remarquable.

DES PLUS ET DES ZERO

L’emploi du ciment Susteno a permis la création de deux bétons durables : EvopactPLUS et EvopactZERO. EvopactZERO incarne parfaitement le principe qui consiste à faire un maximum et à compenser le reste. Car tandis qu’EvopactPLUS est fabriqué avec le ciment Susteno, qui ménage les ressources, et avec des matériaux en partie recyclés pour le granulat, EvopactZERO est le premier béton neutre pour le climat de Suisse : les émissions liées à ce ciment, qu’il n’est pour l’heure pas possible d’éviter, même avec les dernières technologies, sont compensées.

DES ÉTAPES IMPORTANTES ET BIEN MENÉES

Le granulat de démolition non trié qui remplace le clinker n’est qu’une des nombreuses solutions au moyen desquelles Holcim s’attelle à créer un futur durable. L’entreprise a aussi mis en oeuvre d’autres mesures de réduction du CO2, notamment en investissant dans des installations efficaces et en employant de combustibles alternatifs : elle valorise le plastique et les boues d’épuration, ce qui réduit sa consommation de combustibles traditionnels. « Aujourd’hui, nous couvrons déjà plus de la moitié de nos besoins en énergie thermique par des déchets », se félicite Cathleen Hoffmann. « Nous visons aussi à capturer le CO2 émis pour le réemployer d’une autre manière. » À l’évidence, le pays d’origine de LafargeHolcim fait l’objet d’une attention particulière : « Nous sommes une sorte de pays modèle pour tout le groupe », relate Cathleen Hoffmann. « Nous donnons le meilleur de nous-mêmes pour développer des produits, pour permettre à d’autres pays de tirer les leçons de nos expériences et de nos innovations. » Toutefois, la production dépend fortement des matières premières disponibles sur place. Il incombe donc à chaque pays de trouver sa propre recette. C’est d’ailleurs une nécessité, car le grand public surveille de près l’industrie du ciment et ses émissions de CO2. On ne peut donc que se réjouir de l’important jalon posé par Holcim sur la voie de l’objectif « zéro émission nette » grâce à son nouveau béton qui ménage à la fois les ressources et le climat.

INFORMATIONS

Commencée au XIXème siècle, la production de ciment génère beaucoup de CO2. Des opportunités variées existent cependant pour réduire significativement ces émissions. Ciments Vigier SA à Péry, dans le Jura bernois, déploie ainsi tout un éventail de mesures qui améliorent sans cesse et de manière conséquente son bilan carbone.

Sur le site de Péry-Reuchenette (BE), les émissions de CO2 ont été réduites de 34 % depuis 1990, 40 % sont visés à l’horizon 2021.

L’entreprise Ciments Vigier SA file vers le siècle et demi d’existence. Fondée à Luterbach (SO) en 1871 par Robert Vigier, elle fut la première société suisse à produire du ciment Portland, fabriqué avec des silicates et du calcaire mélangés puis chauffés ensemble. Ce ciment annonçant une révolution dans la construction, en 1891 un nouveau site de production fut ouvert à Péry, idéalement situé en termes de géologie, d’énergie et de transports. La société emploie aujourd’hui en Suisse 1100 personnes sur 37 sites de tailles et vocations diverses – un défi passionnant pour le conseiller AEnEC Erich Lüdi que suivre les conventions d’objectifs qui orientent l’efficacité énergétique de cet ensemble ! Ciments Vigier SA appartient depuis 2001 au groupe français Vicat, rencontre exceptionnelle par-delà les ans : Louis Vicat fut en 1817 l’inventeur du ciment industriel et en 1840 l’initiateur du ciment Portland. Pour produire le ciment de Péry, on broie de la roche calcaire en farine crue, qu’on mêle de marne à 20 % avant de brûler le tout à 1450 °C – la température de flamme requise dans le four est de 2000 °C ! On obtient ainsi le clinker, broyé à son tour en ciment : plus la poudre est fine, plus la résistance du ciment à la compression sera élevée. Tant la combustion de la roche calcaire que celle du combustible libèrent du CO2. La cimenterie de Péry est à l’origine de 1 % des émissions de CO2 en Suisse, sur un total de 5 à 6 % pour le secteur cimentier helvétique. Mais cette proportion ne cesse de se réduire. Olivier Barbery, directeur du site de Péry depuis juin 2015, dresse ainsi un tableau captivant des actions les plus directes engagées au sein de l’entreprise, mais aussi des leviers d’action dans l’environnement de celle-ci : ressources locales en matières premières ou en énergie, transports ou normes de construction par exemple.

DUMPER ÉLECTRIQUE, COMBUSTIBLES ALTERNATIFS …

« Appartenir à un groupe familial permet des initiatives coup de coeur », se réjouit Olivier Barbery. Et de citer en exemple le dumper 100 % électrique livré en 2018, une première mondiale. Dumper ? Un énorme camion qui peut transporter 65 tonnes de roches. Ce géant électrique est le fruit d’un partenariat entre le constructeur, l’importateur, un bureau d’ingénieurs, une haute école biennoise et Vigier, qui a financé le projet aux deux tiers. Le dumper achemine les matériaux arrachés à la carrière vers une unité de concassage. De là, la caillasse est envoyée à l’usine via un tapis roulant de 2,3 km. « Inauguré en 2001, ce tapis roulant avait déjà réduit les transports par camion. Notre nouveau dumper permet d’économiser 55 000 litres de diesel supplémentaires par an, les trajets sont silencieux, sans COni microparticules et les batteries se rechargent à la descente ! », détaille Olivier Barbery. De quoi pousser plus avant la réduction des émissions de CO2 de l’entreprise : 34 % depuis 1990, 40 % visés à l’horizon 2021. L’usine dégage deux tiers du total de son CO2 pour transformer le calcaire en chaux, et un tiers pour produire de la chaleur par combustion. Dès 1976, Vigier a entrepris de substituer aux combustibles fossiles du bois usagé, des boues, de la poussière de tabac, des graisses et farines animales, des solvants ou encore des huiles usées. « Notre chaleur est aujourd’hui assurée à près de 90 % par ces combustibles alternatifs. Vigier est à cet égard dans le top 3 européen des cimenteries, bien au-delà des 65 % atteints par l’ensemble des cimenteries suisses en 2018 », insiste le directeur.

CO2 ET NORMES ARCHITECTURALES

Sachant que la production d’une tonne de clinker dégage 0,72 tonne de CO2, « moins il y a de clinker dans le ciment, plus l’empreinte carbone de celui-ci se réduit », explique Olivier Barbery. Le clinker pur, appelé CEM I, ne devrait être utilisé que pour des applications exigeantes. Dès 1995, Vigier a mis sur le marché une première génération de ciments dits CEM II mêlant clinker et calcaire cru de haute qualité tiré de sa carrière. Actuellement, les CEM II contiennent de 17 à 27 % de matériaux non chauffés, mais on peut aller au-delà. Des ciments de classe CEM II peuvent contenir jusqu’à 70 % de scories d’aciérie, mais cette ressource est trop éloignée de Péry. « Les CEM II sont des produits éprouvés, mais les normes prescrivent encore trop de CEM I dans des usages où les CEM II conviendraient parfaitement. Et il ne s’agit pas que de terrasses privées ou de dalles de garage : l’adéquation pour les traverses de chemin de fer est démontrée, mais là aussi les normes sont à revoir », déplore Olivier Barbery. La protection du climat est un défi collectif.

D’autres pistes encore sont à l’étude pour juguler le CO2. Le groupe Vicat participe à des projets pilotes en France pour capter le CO2 afin de le stocker ou de le transformer en méthane. On vise aussi un accroissement de la porosité du béton de 30 % à 60 %, afin de doper le processus de réabsorption du CO2.

Vigier exploite aussi sa propre centrale hydroélectrique, tout en participant pour moitié à sept autres centrales en Suisse. La société utilise des moteurs électriques de dernière génération dans sa chaîne de production, elle s’éclaire aux LED et produit de l’énergie avec son long tapis roulant …

Toutes ces voies pour réduire les émissions de CO2 apportent une réponse à la hauteur de l’empreinte carbone de cette production indispensable à notre société qu’est le ciment. Et ces actes nourrissent des réflexions concrètes plus larges, comme en témoigne l’entretien ci-contre.

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